Addictions

Alcoolisme : un degré insuffisant de repérage

Publié le 18/04/2014
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L’implication des généralistes dans la prise en charge des problèmes dus à l’alcool et l’efficacité du repérage précoce de ces problèmes par l’omnipraticien ont constitué les temps forts des Journées de la Société Française d’alcoologie.

Crédit photo : CHASSENET / BSIP

En médecine générale, un patient sur cinq a un problème lié à la consommation d’alcool. Lors des journées de la Société française d’alcoologie (19-21 mars 2014, Paris), une session a porté sur la prise en charge des patients alcooliques effectuée par les médecins généralistes. Des données ont été recueillies dans la région Poitou-Charentes par le Dr Philippe Binder (Lussant) auprès de 378 généralistes pour mesurer leur implication. La majorité d’entre eux disent aborder le problème de l’alcool avec leurs patients. Plus de la moitié hésitent à intervenir seuls et travaillent en lien avec une structure.

Philippe Binder constate que le niveau d’investissement des généralistes sur l’alcool se situe entre celui sur le tabac (massif) et celui sur les opiacés (sélectif). 97% d’entre eux considèrent que c’est leur rôle d’intervenir dans le repérage des patients alcooliques?; 69% trouvent facile d’aborder le sujet et 43% avaient fait une prise en charge de problèmes liés à l’alcool dans les sept jours précédant l’étude. Enfin, l’investissement des généralistes vis-à vis des problèmes d’alcool s’accroît avec l’âge.

Comment intervenir ? Le médecin évalue la fonction d’usage (l’alcool sert-il à rassembler, à procurer du plaisir, est-il une défense qui permet de ne plus penser ?), les effets du produit, le niveau de consommation. Il établit un cadre de relation confortable, rehausse l’estime de soi du patient. Il doit aborder le plaisir que l’alcool procure à son interlocuteur avant de parler des dégâts qu’il provoque. Enfin, il faut s’entendre avec le patient sur un objectif très limité et l’évaluer. Une prise en charge en réseau est préférable. Dans la région de l’étude ont été développés des groupes ressources locaux (GRAL), au sein desquels les praticiens, les intervenants des Csapas, les psychologues et les pharmaciens du réseau se réunissent pour étudier les cas des patients et les modes de fonctionnement.

Dépistage par questionnaire

Le Dr Philippe Castera (Bordeaux), a ensuite abordé les succès et les limites du repérage précoce et d’intervention brève en matière d’alcool (RPIB) tel qu’il s’est développé en France. Depuis 2006, le ministère de la Santé développe une stratégie de diffusion à l’échelle nationale du RPIB auprès des généralistes.

Ce dépistage se fait essentiellement au moyen de questionnaires. Les interventions brèves visent en priorité une réduction de la consommation d’alcool et non une abstinence. L’objectif était au départ de former 75% des généralistes. En fait, actuellement, moins de 65% des régions françaises sont actuellement impliquées dans le RPIB et la mise en pratique au quotidien est faible : seuls 15 à 20% des généralistes, les plus motivés le mettent en œuvre. Or, il existe des signaux associés à une augmentation de prévalence du risque alcool, à côté desquels le médecin ne doit pas passer.

Tout changement de l’habitus physique, psychique ou social du patient, les autres addictions (tabac), les inquiétudes de l’entourage, un passage aux urgences doivent inciter à un repérage systématique. Il se fait à partir d’un questionnaire standardisé et doit déboucher sur un diagnostic de sévérité du trouble. Plusieurs méta-analyses sur l’intervention brève du généraliste (50 à 60 minutes) montrent un effet favorable de cette intervention. La consommation chez les hommes jusqu’à 48 mois est diminuée (sans que cela ne soit démontré chez les femmes). On constate aussi une baisse de la mortalité liée à l’alcool. En outre, ajoute Philippe Castera, « il n’a pas été démontré dans la littérature qu’une intervention longue était plus efficace pour diminuer les usages à risques ».

Dr Alain Dorra, alain.dorra@legeneraliste.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr