Aspirine ou pas en prévention primaire ? Si les choses sont bien établies en prévention secondaire, la question est difficile à trancher chez les sujets sans antécédent cardiovasculaire. Une métaanalyse dans le « JAMA » a tenté d'apporter une résolution au casse-tête en colligeant l'ensemble des données publiées.
La controverse est vivace depuis des décennies. Le risque cardiovasculaire chez des sujets sans antécédent est-il suffisant pour contrebalancer un potentiel risque hémorragique ? Après une utilisation large de l'aspirine à petites doses lancée par les États-Unis, trois grands essais fin 2018 ont conclu à des résultats négatifs dans la majorité des cas et au mieux à un intérêt ténu chez les sujets diabétiques.
C'est sur la revue de 13 essais randomisés d'au moins 1 000 participants suivis au moins 12 mois – y compris les tout récents ASPREE (3 papiers), ARRIVE et ASCEND –, soit sur un total de 164 225 participants, que la métaanalyse conclut à… l'absence de dogme médical. L'aspirine est associée à « un risque plus faible d'événements cardiovasculaires et à un risque augmenté de saignements majeur », est-il écrit.
De grandes études récentes négatives
La tendance récente est de faire machine arrière. En septembre 2018, la conclusion des trois volets de l'étude ASPREE chez les sujets âgés (≥ 65 ans) est sans ambiguïté : absence de bénéfices cardiovasculaires pour un risque plus élevé d'hémorragie grave. L'étude ARRIVE est moins sévère dans « The Lancet ». Concluant à l'absence de bénéfice dans une population à faible risque dans l'essai et le même nombre d'événements graves dans les groupes aspirine et placebo, les auteurs laissent la porte ouverte à l'évaluation pour des sujets à risque modéré.
Quant à l'étude ASCEND chez des sujets diabétiques de type 2, si elle conclut à une diminution significative des événements graves cardiovasculaires, « les bénéfices absolus sont largement contrebalancés par le risque hémorragique », est-il affirmé en conclusion.
Une décision personnalisée et partagée
Dans la métaanalyse, l'âge médian des patients était de 62 ans, avec 47 % d'hommes et 19 % de diabétiques. La diminution du risque absolu d'événements cardiovasculaires est de 0,38 % (57,1 pour 10000 patients-années versus 61,4 pour 10 000 patient-années) pour une augmentation du risque hémorragique grave de 0,47 % (23,1 pour 10 000 patient-années versus 16,4 patient-années). Il faut traiter 265 patients pour éviter un événement cardiovasculaire, quand dans le même temps il faut traiter 210 patients pour observer une hémorragie grave.
Alors qu'en déduire ? Exit l'aspirine en prévention primaire ? La discussion n'est pas close, conclut la métaanalyse sans toutefois trancher, les bénéfices étant réels malgré un risque hémorragique lui aussi bien réel. Pour les auteurs, le niveau de risque individuel, à la fois cardiovasculaire et hémorragique, est à évaluer pour une décision personnalisée et partagée avec le patient informé, qui est invité à exprimer « son point de vue sur la balance des risques par rapport aux bénéfices », est-il indiqué.
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