Certains l’auront peut-être déjà remarqué : depuis quelques temps, une vignette représentant un appareil d’automesure tensionnelle orne l’Espace Pro du site de l'Assurance-Maladie. Cet encart propose aux généralistes qui le souhaitent de mettre gratuitement à leur disposition un appareil d’automesure. Elaborée conjointement par la CNAMTS et le Collège de la médecine générale en lien avec MG France et la Société Française d’HTA (SFHTA), cette initiative a été longuement détaillée lors des récentes Journées de l’HTA (Paris, 19-20 décembre 2013).
Le projet vise à aider les praticiens à mieux authentifier l’HTA permanente par l'automesure tensionnelle (AMT) avant l'instauration d'un traitement médicamenteux, en la distinguant notamment d’une HTA isolée de consultation ou HTA « blouse blanche ». Celle-ci représenterait le tiers des diagnostics d’HTA et serait à l’origine de nombreux traitements médicamenteux injustifiés.
Un programme pilote concluant
Avant d’être décliné à l’échelle nationale, le programme a été testé pendant six mois dans 4 départements pilotes (Aube, Aude, Isère et Tarn) de mai à novembre 2013.
Dans ces zones tests, la CNAM a pourvu en auto-tensiomètres tous les généralistes qui en faisaient la demande, soit 55% des 1 934 médecins. L'information des médecins se faisait par la visite d’un délégué des caisses, des courriers, la remise d'un mémo validé par la HAS, le CMG et la SFHTA, de documents reprenant les recommandations de la SFHTA et le guide patient du comité de lutte contre l’HTA.
Le tensiomètre était proposé aux patients dont la PA était ›140/90 mmHg, en excluant les HTA sévères (›180/110 mmHg), soit en moyenne 6,8 patients par médecin en 3 mois. L'adhésion s'est révélée excellente puisque près de 90% des généralistess se sont déclarés satisfaits alors que tous les patients ont accepté les automesures et les ont réalisées de façon correcte.
Les résultats sont concluants puisque 40 % des patients avaient une HTA blouse blanche (moyenne des AMT : <135/85mmHg). Chez ces patients, les médecins n’ont pas instauré de traitement dans 84% des cas.
Suite à ces données, l’expérience à été généralisée à l’ensemble du territoire à la mi-décembre. Depuis lors, les autotensiomètres (des appareils de mesure humérale de type Microlife BPA 200) peuvent être commandés sur l'espace pro du site de l’Assurance Maladie qui espère avoir équipé l’ensemble des généralistes d’ici à trois ans. L’expérience fera l’objet d’une nouvelle évaluation qui portera en particulier sur l'initiation des traitements antihypertenseurs avant et après la l'utilisation de l'appareil chez les médecins volontaires et la comparaison avec les non-participants.
Dans la droite ligne des recommandations
Mais, d’ores et déjà, l’initiative semble plutôt bien accueillie. Elle s'inscrit dans la droite ligne des guidelines de nombreuses sociétés savantes et, en particulier, des recommandations françaises de janvier 2013 qui préconisent de n'instaurer un traitement qu'après confirmation du diagnostic d'HTA par la mesure ambulatoire sauf lorsque la PA est sévère. « Les prescriptions "illégitimes" pour HTA blouse blanche représentent 20 à 30% de toutes les primo-prescriptions, ce qui ne représente pas seulement un coût économique, mais aussi humain du fait des effets secondaires, sur le plan individuel comme sur le plan collectif », rappelle le Pr Jacques Blacher (Paris). Une évaluation de ce type de projet aux états-Unis montre qu'il pourrait réduire de 3 à 14% les dépenses pour l'HTA
L'apprentissage de l'AMT au patient, qui ne demande que 10 minutes, constitue aussi le premier pas vers l'éducation thérapeutique et l'amélioration de l'observance. « L'AMT devrait être largement diffusée, insiste le le Pr Bernard Vaïsse (Marseille). Elle a aussi tout son intérêt dans d'autres situations, comme l'évaluation de l'HTA résistante ou le dépistage des HTA masquées chez certains patients comme les diabétiques où sa prévalence est de 47%. » De son côté, MG France salue « une action qui reconnait notre rôle dans la validation du diagnostic d'hypertension et dans l'équilibration du traitement ».
L’écueil de la fausse réassurance
Pour autant, Il ne faut pas perdre de vue les HTA blouse blanche qui, sur le long terme, ne « sont pas tout à fait innocentes », remarque cependant le Pr Vaïsse.
Si le risque lié à ce type d'HTA reste incertain, des données récentes semblent confirmer qu'il est supérieur à celui des normotendus puisqu’au cours d’un suivi de 16 ans, la mortalité cardio-vasculaire et globale est
multipliée respectivement par 2,76 et 1,58. « De plus, si on considère les patients octogénaires de l'étude HYVET, bien que la moitié présentât une HTA isolée de consultation, ils ont néanmoins bénéficié du traitement antihypertenseur. » Enfin, la MAPA reste dans certains cas indispensable, les résultats des deux méthodes n’étant pas toujours concordants pour le repérage des HTA blouses blanches.
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