Le Généraliste Quelles sont les évolutions notables de ce bilan 2014 des cancers en France ?
Pr Agnès Buzyn. Bien que le nombre de cancers augmente régulièrement en France, du fait de l’accroissement de la population et de son vieillissement, la tendance est à la baisse d’incidence depuis 2005. Notamment chez l’homme. Chez la femme, après une augmentation jusqu’en 2005, la hausse est désormais proche de zéro. Quant à la mortalité, elle est en diminution constante (2% par an en moyenne). Cela tient d’une part au dépistage qui permet de détecter plus tôt les cancers. Et, d’autre part aux progrès médicaux avec une amélioration de la survie de 10 à 15% en dix ans pour certains cancers, notamment celui du sein avec l’avènement de l’herceptine dans les années 2000. Les seuls cancers n’ayant pas bénéficié de progrès thérapeutique sont ceux liés à l’amiante et les cancers du poumon, pour lesquels on n’observe pas d’augmentation de la survie.
Quel est le rôle du médecin généraliste dans ces évolutions ?
Pr A.B. La place pour le dépistage ou la prévention des cancers est majeure. Les patients sont beaucoup plus sensibles aux conseils de leur médecin qu’aux messages de santé publique entendus à la radio ou à la télévision. Lorsqu’un dépistage est proposé par un généraliste, il est suivi dans 80% des cas. Alors que le taux de participation au dépistage organisé colo-rectal est de 32% et pour le sein de 52%.
Les cancers dont l’incidence baisse le plus sont ceux du sein et de la prostate. Comment l’expliquer ?
Pr A.B. Pour la prostate, cela s’explique par le fait que l’on pratique actuellement moins de dosages de PSA. En effet, l’incidence de cette tumeur est directement liée au dosage de PSA, avec 50% de surdiagnostic et de surtraitement. Pour le cancer du sein, quand on a mis en place le dépistage organisé en 2004, on a tout d’un coup détecté un grand nombre de tumeurs. De plus, le THM est beaucoup moins utilisé et les femmes traitées le sont pour des durées inférieures à dix ans. Or on sait que le THM administré sur des longues périodes est un facteur favorisant. Nous avons, de surcroît, mis en place la totalité des outils permettant d’améliorer le pronostic de ce cancer. à l’arrivée, il est chez les femmes françaises le deuxième plus favorable d’Europe après l’Islande avec un taux de survie à cinq ans de 90%.
Les cancers dont l’incidence et la mortalité ont augmenté sont celui du poumon chez la femme, celui du système nerveux central et le mélanome. Sait-on par quels mécanismes ?
Pr A.B. Le cancer du poumon chez la femme est une catastrophe sanitaire. La mortalité a été multipliée par 4 en dix ans chez la femme. Cette année, elle devrait dépasser celle due au cancer du sein. En termes de prévalence du tabagisme chez les femmes de vingt à quarante ans, la France est un des pires pays du monde. Le PNRT (Programme National de Réduction du Tabagisme) est une bataille incessante pour que les femmes se sentent concernées par l’arrêt du tabac. En ce qui concerne le mélanome, la tendance des Français a été depuis vingt ans de s’exposer davantage au soleil. Les enfants des années 1990 ont été laissés au soleil, à la plage, sans protection. Et l’usage des cabines UV s’est répandue, notamment chez les hommes. En revanche, on n’a pas d’explication pour le cancer du système nerveux central. Les différentes études en population générale sur l’utilisation du portable ne dégagent pas un niveau de preuves suffisant pour faire de ce facteur d’exposition, possible, un facteur probable.
Bien que l’emploi des thérapies ciblées soit en augmentation, cela n’a pas d’incidence sur la mortalité globale.
Pr A.B. En effet. Leur usage va encore augmenter. Chaque année trois nouvelles molécules arrivent sur le marché. Mais ces molécules sont utilisées essentiellement dans les cancers à rechute ou réfractaires. De plus ce sont des thérapies de niche s’adressant à très peu de patients. Il faudrait les utiliser sur un plus grand nombre de cancers et les employer dans des lignes plus précoces de traitement pour avoir une incidence sur la mortalité globale, même si au plan individuel elles donnent des résultats parfois spectaculaires.
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