Pourra-t-on un jour réellement guérir de l’infection par le VIH ? Alors que les portes du Palais des Congrès se fermaient à Paris sur le congrès international de recherche sur le Sida (IAS), le Pr Anthony Fauci, directeur l’Institut national de l’allergie et des maladies infectieuses (NIAID), aux États-Unis, s’est montré très pessimiste sur le sujet. Les immunothérapies (IL-2, IL7, rovinostat…) testées pour inverser la latence virale et provoquer la mort cellulaire n’ont pas donné de résultats probants. Une preuve de concept in vitro a été apportée pour des anticorps bifonctionnels se liant à la fois aux CD3/CD8 et au VIH, mais les recherches restent à un stade très préliminaire. L’éradication apparente observée chez un patient séropositif leucémique, après une transplantation de moelle provenant d’une personne ayant une mutation homozygote du gène du récepteur CCL5, a suscité des espoirs. Cependant une telle greffe, du fait de ses risques, ne peut être tentée que si elle est nécessaire pour une autre maladie associée.
Un essai de thérapie génique par administration de CD4 autologues modifiés pour ne plus exprimer le gène CCR5, a été testé chez 12 patients et a entraîné une baisse de la charge virale chez la plupart. D’autres techniques de « gene editing » sont étudiées. Mais la mise en œuvre de ce type de traitement n’est pas envisageable pour les dizaines de millions de personnes infectées dans le monde. « L’éradication est au pire impossible et, au mieux, sera réservée à quelques personnes », a conclu le Pr Fauci.
Mais qu’en est-il de la rémission soutenue ? Si jusqu’à maintenant aucun vaccin thérapeutique ne s’est montré capable d’entraîner de suppression durable de la virémie, en revanche plusieurs pistes immunologiques semblent intéressantes. Ainsi les anticorps neutralisants à large spectre, facile à obtenir ex vivo, permettent de supprimer efficacement la charge virale à court terme. Mais dans les essais cliniques un rebond se produit en quelques semaines, dès que la concentration des anticorps baisse dans le sang. Donc il s’agit davantage actuellement d’un traitement à action prolongée. Les anticorps neutralisants de nouvelle génération ont une demi-vie vie de 3 ou 4 mois, qui permettrait donc 3 ou 4 injections annuelles. D’autres immunothérapies passives semblent prometteuses, bien qu’à un stade encore très préliminaire. Ainsi des anticorps spécifiques anti intégrine (a4b7) ont permis le maintien d’une virémie indétectable pendant plus de 9 mois chez des singes infectés par le SIV.
Le secret bien gardé des « contrôleurs naturels »
Les « contrôleurs naturels » offrent une piste de recherche pour développer ces approches. « Trois à 5 personnes sur 1 000 contrôlent naturellement l’infection, même s’ils n’ont jamais été traités », a observé le Dr Asier Saez-Cirion (Institut Pasteur). Son équipe a pu démontrer, sur un modèle de macaques, que la réponse CD 8 est très peu fonctionnelle au début de l’infection par le SIV, mais que les contrôleurs naturels développent en 2 ou 3 mois une réponse CD8 efficace. La présence d’une quantité importante de cellules infectées dans les ganglions semble s’opposer à la maturation des CD8. Dans ce modèle, une réponse CD8 efficace a pu être obtenue, par l’injection d’une quantité plus faible de virus, même chez des animaux non génétiquement prédisposés, ce qui encourage à chercher des interventions capables de favoriser cette réponse. Dans une deuxième étude menée dans le cadre de la cohorte ANRS CO21 CODEX, l’équipe a constaté que les CD 8 mémoires des sujets infectés contrôleurs naturels sont programmés pour survivre et produire rapidement des molécules antivirales, et sont capables d’utiliser plusieurs sources d’énergie, alors que les CD8 mémoires des non-contrôleurs sont programmés pour se multiplier davantage et consomment du glucose. « Cela ouvre des pistes précieuses pour tenter de reproduire ces réponses en programmant les cellules par des vaccins ou des immunothérapies », a estimé le Dr Saez-Cirion.
Éradication vs charge virale indétectable
Enfin, le Pr Tasuku Honjo (Université de Kyoto), découvreur du récepteur PD1, a fait un plaidoyer convaincant pour que soient menés des essais cliniques avec les anti-PD1. Ces anticorps monoclonaux ont déjà fait la preuve de leur efficacité dans de nombreux cancers. L’activation de la protéine de surface PD-1 inhibe les CD-8 et l’équipe du Pr Honjo a montré, dès 2003, que les souris dépourvues de PD-1 résistent à l’infection. Les données récentes recueillies chez le macaque infecté par le SIV indiquent que l’administration d’ anti-PD-1 permet de baisser la charge virale, restaure la fonction des CD 8 spécifiques du SIV et améliore la réponse lymphocytaire B contre les virus. Des données en cancérologie indiquent l’effet synergique de l’association à d’autres traitements, comme le bézafibrate, ou les activateurs de la voie AMPK/mTOR. Cependant, si des cas cliniques et des courtes séries de patients séropositifs traités par anti PD-1 ou anti PDL-1 pour un cancer ont été publiés, aucun essai clinique n’a encore été conduit dans cette indication. Pour le Pr Honjo, « le traitement par anti-PD1 aurait l’avantage d’être efficace avec une ou quelques administrations, plutôt que d’imposer un traitement à vie, de permettre l’éradication du virus, plutôt que son simple contrôle, et de diminuer les coûts ».
Une chose est sûre : la toxicité de ces traitements doit être examinée avec une attention particulière, alors qu’aujourd’hui, 30 ans après la commercialisation du premier antirétroviral, la prise d’un comprimé quotidien permet de rendre le VIH indétectable et a transformé le pronostic de l’infection.
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