Faut-il être plus exigeant en matière de pression artérielle ? Alors qu’au cours de ces dernières années, la tendance était plutôt à l’assouplissement des objectifs tensionnels, deux publications parues coup sur coup, pourraient venir inverser la tendance.
La première est une méta-analyse publiée début Novembre dans le Lancet. Dans ce travail portant sur 19 essais et plus de 45 000 patients, un traitement agressif permettant une réduction supplémentaire de la pression artérielle systolique de 7 mm Hg (pour atteindre en moyenne 133/76 mmHg vs 140/81 mmHg) était associé à une diminution significative du risque d’AVC (-25 %) et d’infarctus du myocarde (-14 %) par rapport au traitement standard.
La seconde est la fameuse étude Sprint qui a fait le buzz la semaine dernière à Orlando lors du congrès de l’AHA. Publiée simultanément dans l’édition en ligne du NEJM, cet essai randomisé américain démontre pour la première fois de façon nette qu’un objectif tensionnel ambitieux (PAS < ou égale à 120 mm Hg) chez des sujets à risque diminue la morbimortalité cardiovasculaire et la mortalité toute cause.
L’étude Sprint a inclus près de 9.300 hypertendus non diabétiques de plus de 50 ans ayant un niveau de risque cardiovasculaire élevé (âge > 75 ans, risque cardiovasculaire à 10 ans > 15% selon le score de Framingham, IR chronique, atteinte cardiovasculaire clinique ou infra-clinique). Ces patients ont été randomisés en 2 groupes, l’un avec un objectif tensionnel « classique » (PAS < 140 mm Hg ), l’autre visant une cible beaucoup plus ambitieuse (PAS < 120 mm de Hg).
Après un suivi de 3,26 ans, l’étude a été arrêtée de façon prématurée en raison d’un bénéfice clair observé dans le bras traitement intensif. Chez ces patients la PAS moyenne obtenue à la fin de l’étude était de 121 mm Hg vs 136 mm Hg dans le bras standard.
Ce contrôle strict de la pression artérielle était associé à une diminution franche de la morbimortalité des patients avec une réduction de 25 % du risque d’événements mesuré par un critère composite associant infarctus du myocarde, et autres syndromes coronaires aigus, AVC, insuffisance cardiaque et décès d’origine cardiovasculaire. Les auteurs rapportent également une diminution significative de la mortalité toute cause de 27 %.
Sans surprise, ces bénéfices allaient de pair avec une augmentation des effets indésirables avec davantage de syncopes, de troubles électrolytiques, mais aussi d’hypotensions. Cependant, « le fait de prendre la PA systématiquement en position debout dans cette étude a permis de limiter le phénomène », comme le souligne le Pr Jacques Blacher (médecin cardiologue à l’Hôtel Dieu de Paris) et co-auteur des dernières recommandations françaises sur l’HTA.
Dans la méta-analyse du Lancet, les effets indésirables étaient également plus nombreux sous traitement intensif, avec un risque 3 fois plus élevé d’hypotensions. Mais pour le Pr Anthony Rodgers, co-auteur de l’étude « ces effets indésirables sont importants mais ne compensent pas les bénéfices d’une baisse importante de pression artérielle chez les patients à haut risque cardio-vasculaires ».
Faut-il alors réviser les recommandations et revoir à la baisse les objectifs tensionnels ?
« Plusieurs recommandations majeures sur la prise en charge de l'hypertension artérielle, y compris celles du Nice ou de l'European Society of Hypertension, ont récemment remonté les objectifs de pression artérielle de 130/85 mmHg à 140/90 mmHg pour les patients à haut risque. Mais nos données montrent clairement que le traitement de la pression artérielle à un niveau plus bas que les objectifs recommandés actuellement conduit à de meilleurs résultats », répond le Pr Rodgers.
Même constat pour l’étude Sprint qui selon ses auteurs, « apporte la preuve du bénéfice associé à un objectif tensionnel plus bas que ceux couramment recommandés ».
En France, les dernières recommandations de la SFHTA de 2013 préconisent d'obtenir une PAS comprise entre 130 et 139 mm Hg et une PAD < 90 mm Hg , y compris chez les diabétiques, les patients avec maladies rénales ou après une complication cardiovasculaire. Après 80 ans l'objectif de PAS est fixé à 150 mm Hg. « A l’époque, nous avions estimé que la différence de cible tensionnelle en fonction du niveau de risque n’avait pas lieu d’être ; aucune étude ne soutenant cela », explique le Pr Blacher. Depuis, l’étude Accord a échoué à mettre en évidence l’intérêt d’un contrôle tensionnel intensif chez le diabétique. En revanche, les données de l’étude Sprint – qui ne concerne pas les diabétiques - changent la donne pour les autres patients à risque. Et même s’ils demandent à être confirmés, « ces résultats feront probablement réfléchir les groupes de travail des prochaines recommandations sur l’HTA », reconnaît le Pr Blacher tout en mettant en garde contre toute précipitation.
D’autant que si le pas était franchit -et qu’un objectif tensionnel plus strict était retenu pour les hypertendus à risque tels ceux de l’étude Sprint -, « ce serait plus de 50% des hypertendus de plus de 50 ans qui seraient concernés ».
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