On sait depuis longtemps qu’à quantité et pouvoir calorique identique, tous les lipides n’ont pas le même impact santé, les acides gras (AG) insaturés ayant meilleure presse que les formes saturées. Au-delà de cette distinction, l’effet d’un même AG pourrait aussi varier en fonction de sa formulation dans l’alimentation et de son environnement, comme le suggèrent les travaux présentés par Marie-Caroline Michalski (directrice de recherche Inra CarMeN) lors des Journées annuelles Benjamin Delessert (Paris, 2 février 2018).
Endotoxémie inflammatoire
Comme l’a expliqué la chercheuse, le retentissement d’un nutriment sur le métabolisme dépend en grande partie de son effet sur l’inflammation. Or, au moment de leur absorption intestinale, les lipides semblent favoriser le passage dans la circulation de molécules pro-inflammatoires d’origine bactérienne, naturellement présentes dans le microbiote intestinal : les lipopolysaccharides (ou LPS). Ces endotoxines sont ensuite transportées par des cellules de l’immunité vers les tissus, où ils vont déclencher une réaction inflammatoire.
Ce phénomène d’endotoxémie post-prandiale varie en fonction du type d’AG considéré, mais est aussi modulé par la quantité de matière grasse ingérée. Cani et al. ont ainsi montré chez la souris qu’un régime hyperlipidique augmente l’endotoxémie, contrairement à un régime normolipidique. De même, dans l’espèce humaine, chez le sujet obèse, le passage d’endotoxine est plus important si on augmente la quantité de matière grasse consommée.
À quantité similaire, « la cinétique postprandiale d’absorption des lipides peut aussi contribuer à moduler l’endotoxémie », indique Marie-Caroline Michalski. Or, cette cinétique varie elle-même en fonction de la manière dont les AG sont incorporés à l’alimentation. Ainsi, par rapport à la consommation de lipides sous forme libre (tartinée), l’ingestion d’AG émulsionnés favorise un afflux plus rapide de matières grasses dans la circulation sanguine chez le sujet obèse. Avec à la clef un passage plus précoce des endotoxines dans le plasma.
Gare aux émulsifiants
Cet effet varie selon la nature des émulsifiants, les synthétiques (très prisés aux États-Unis) étant particulièrement pointés du doigt depuis la publication de Chassaing et al. « Dans cette étude qui a fait grand bruit, les auteurs ont montré que chez la souris, les émulsifiants synthétiques agissent comme des détergents intestinaux abîmant le mucus, d’où une endotoxémie accrue avec une inflammation métabolique, une augmentation de la glycémie et des marqueurs d’insulinorésistance. »
Parmi les émulsifiants naturels, tous ne semblent pas non plus avoir le même impact, comme le suggère une étude menée par le laboratoire CarMeN. Dans ce travail, des souris ont reçu un régime riche en huile de palme, enrichi soit avec de la lécithine de soja, un émulsifiant naturel très employé, soit avec des lipides polaires du lait, autre source d’émulsifiant. « à notre grande surprise, si le fait de rajouter de la lécithine de soja induit une hypertrophie du tissu adipeux et une explosion des marqueurs inflammatoires plasmatiques et tissulaires, en revanche, l’ajout de phospholipides d’origine laitière n’entraîne pas d’hypertrophie du tissu adipeux supérieure à celle induite naturellement par l’huile de palme, et est associée à une moindre endotoxémie avec moins de marqueurs inflammatoires. »
Ce constat expliquerait les résultats de plusieurs revues récentes de la littérature, qui ne retrouvent aucun lien entre produits laitiers et augmentation de l’inflammation métabolique, voire suggèrent un effet protecteur.
Effet matrice
Au-delà de la présence ou non d’émulsifiants, la structure même des aliments semble jouer un rôle, avec un “effet matrice”. Par exemple, « les noix contiennent beaucoup de lipides, mais une partie d’entre eux restent non absorbés par l’intestin et se retrouvent dans les fèces ».
À l’inverse, un produit ultra-transformé pourra contenir moins de lipides, mais favoriser leur absorption intestinale du fait de sa structure et des intractions avec ses autres constituants. Ainsi, la valeur nutritionnelle d’un aliment ne se cantonne pas à la somme de ses nutriments, mais varie en fonction de leur structure, de la matrice et des interactions avec les autres constituants de l’aliment.
Ces données sont importantes, car « en réalité, nous ne consommons pas des acides gras, mais des vrais aliments », souligne la chercheuse. Avec, selon une enquête de l’Insee de 2012, une appétence des Français pour les plats préparés de plus en plus marquée…
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