Chirurgie, traitements endoscopiques et depuis peu greffes de selles, etc. : la gastroentérologie est une spécialité volontiers tournée vers des traitements non médicamenteux. Pour autant, la pharmacopée était à l’honneur lors du dernier congrès européen de gastro-entérologie (UEGW, Barcelone 28/10-1/11 2017) avec un nouveau regard sur de vieilles molécules comme l’aspirine et les corticoïdes et beaucoup de communications dédiées aux nouveaux produits en développement dans les MICI.
cancer colorectal : l’aspirine marque des points
La question de la prévention du cancer colorectal au moyen de l’aspirine a été relancée. L’émergence de nouvelles données, notamment celles issues d’une cohorte américaine, avaient réactivé le débat en 2016, avançant une réduction de l’incidence de 19 % du cancer colorectal grâce à de faibles doses régulières d’aspirine, au prix néanmoins d’un risque accru de saignements gastro-intestinaux et cérébraux. Les mécanismes impliqués, encore flous, résulteraient de son activité anti-inflammatoire sur le processus de cancérogenèse, y compris à des doses anti-agrégantes.
S’appuyant sur ces résultats, l’US Preventive Services Task Force recommande depuis 2016 l’aspirine à faibles doses quotidiennes en prévention primaire des événements cardiovasculaires et du cancer colorectal. Seule instance à avoir franchi le pas, elle préconise dans cette optique la prise quotidienne de 100 mg d’aspirine ou moins chez les patients de 50 à 69 ans ayant une espérance de vie supérieure à 10 ans (durée suffisante pour que le risque de cancer colorectal soit réduit), un risque cardiovasculaire (IDM et AVC) supérieur à 10 % à dix ans, sans risque de saignements particuliers et qui s’engagent à suivre cette prophylaxie sur une décennie.
Deux études présentées à Barcelone ont conforté cette théorie de l’aspirine
"anticancéreuse". La première, une étude de registre chinoise portant sur plus de 700 000 personnes, a constaté l’effet préventif de 80 mg/j d’aspirine sur une durée médiane de 7,7 ans avec une réduction de 24 % des cancers colorectaux. La seconde s’est plutôt focalisée sur la mortalité et la prévention secondaire après chirurgie pour cancer du côlon sur plus de 13 000 patients. Ceux sous aspirine à faible dose avant le diagnostic de cancer colorectal et l’ayant poursuivie après résection ont vu leur risque de mortalité pour cancer colorectal réduit de 31 % et de 39 % pour la mortalité toutes causes.
Ces données issues d’études de registres demandent à être approfondies dans des essais cliniques randomisés avant d’envisager une possible stratégie de santé publique. Ceci afin non seulement de chiffrer son impact en termes de bénéfice/risque et de coût/efficacité mais aussi de définir la population qui en tirerait réellement bénéfice.
Œsophagite à éosinophiles : bientôt des corticoïdes oraux dispersibles
L’œsophagite à éosinophiles (EoE), maladie inflammatoire chronique de l’œsophage d'origine allergique et dysimmunitaire est une affection croissante (incidence de 5 à 10/100 000 personnes en Amérique du Nord). Traitée par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en première intention, ce n’est qu’en cas d’échec, dans 60 % des cas environ, que viennent les corticoïdes en nébulisations (budésonide, fluticasone) voire sous forme de gel visqueux (préparation magistrale). Or, si leur efficacité dans les essais contrôlés oscille entre 60 à 75 % de réponses cliniques et histologiques, elle laisse à désirer en vraie vie, en raison principalement des difficultés de prise et de compliance. Sur un suivi de six ans, une étude démontre que seuls 9,4 % des malades ont pu obtenir une rémission profonde (disparition des signes cliniques, endoscopiques et histologiques sur plus de six mois) malgré la prescription d’un traitement adéquat à long terme avec ces corticostéroïdes topiques.
D’où la mise au point d’une forme orodispersible spécialement conçue pour une diffusion au niveau de l’œsophage. Annoncés au congrès, les premiers résultats de l’étude multicentrique européenne de phase 3 n’ont pas déçu : le budésonide orodispersible s’est montré nettement supérieur au placebo pour induire une rémission complète et rapide, ceci quelle que soit la localisation, la sévérité ou l’extension de l’atteinte œsophagienne. Après six semaines, 57,6 % ont obtenu une rémission clinico-histologique (84,6 % à 12 semaines) et 93,2 % une rémission histologique.
Nouveaux traitements ciblés dans les MICI
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) amorcent un tournant majeur. Après plus d’une quinzaine d’années avec seulement deux anticorps monoclonaux à disposition – les anti-TNFα infliximab et adalimumab – deux nouvelles biothérapies injectables axées sur des voies distinctes impliquées dans l’inflammation au niveau intestinal sont désormais accessibles en pratique courante : le vedolizumab et l’ustekinumab.
Le premier est un antagoniste spécifique de l’intégrine α4β7 et joue un rôle clé dans la migration des lymphocytes T activés vers le tractus gastro-intestinal. Son efficacité a été démontrée dans la maladie de Crohn (MC) comme dans la rectocolite hémorragique (RCH) même s’il n’est plus remboursé dans cette indication depuis 2017. Le second est un anticorps monoclonal destiné au traitement de la MC qui cible la sous-unité p40 de l'interleukine-12 et de l'interleukine-23.
Plusieurs études de phase 4 ont été conduites avec ces nouveaux
immunosuppresseurs biologiques sélectifs intestinaux et leurs résultats exposés à l’UEGW 2017. Toutes valident l’efficacité de ces immunomodulateurs en dehors du cadre des essais contrôlés. Pour le vedolizumab, l’efficacité dépasse les seules manifestations digestives de la maladie, comme le montrent de nouvelles données issues de la cohorte française OBSERV-IBD. Les manifestations extra-intestinales (MEI) – dont les arthropathies et les manifestations cutanées – sont présentes en moyenne chez 50 % des patients affectés par une inflammation chronique intestinale.
« Alors que le vedolizumab est spécifique du tube digestif, il semble qu’il parvienne néanmoins à résorber les MEI dans la moitié des cas, souligne le Pr David Laharie, service de gastro-entérologie et hépatologie à l’Hôpital Haut-Lévêque (CHU Bordeaux). En revanche, dans d’autres cas celles-ci sont exacerbées alors qu’elles étaient auparavant stabilisées sous anti-TNFα. » Après 54 semaines, respectivement 45,7 % et 60 % des patients étaient toujours en rémission complète pour les arthropathies et manifestations cutanées. À l’inverse, 15,8 % des patients dépourvus d’MEI ont développé des arthropathies sous vedolizumab. « D’où une balance bénéfice/risque à évaluer au cas par cas ». Sur le plan de la sécurité, par rapport aux anti-TNF, le vedolizumab permet de limiter le risque d’infections et d’immunodépression systémiques.
Pour l’ustekinumab, les premières données en vraie vie confirment son efficacité dans la MC sur les deux ans de suivi médian, sans phénomène d’échappement. En effet, contrairement aux anti-TNF α, il y a peu de perte d’efficacité avec le temps : 50 % des patients ont maintenu une réponse complète sans intolérance ni chirurgie. Une réelle avancée thérapeutique chez les patients réfractaires.Au-delà des anti-TNFα et de ces récentes biothérapies, « nous nous trouvons à l’aube d’une nouvelle révolution thérapeutique : très attendus, les traitements oraux accèdent enfin aux phases 3 et seront probablement disponibles d’ici cinq à dix ans », espère David Laharie. Parmi les plus avancés, les anti-JAK ciblent les janus kinase (JAK), des molécules médiatrices de l’inflammation qui interviennent au niveau cellulaire. De nombreux résultats de phase 2, confirmant leur intérêt vis-à-vis des taux de réponse et de la rémission, ont été présentés à l’UEGW. D’autres médicaments oraux émergent, tels les modulateurs de la S1P (sphingosine 1 phosphate) dont le chef de file est l’ozanimod.
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Un test rapide pour traquer le gluten Un test immunologique vient d’être conçu dans l’optique de vérifier l’adhésion des malades cœliaques au régime sans gluten mais aussi pour les aider à suivre leur régime. Ce test détecte les peptides immunogènes de gluten excrétés après consommation dans les fèces et l’urine.
Une coloscopie qui déplisse 25 % des polypes ne sont pas détectés à la coloscopie. Une nouvelle technologie présentée à l’UEGW permet de déplisser la muqueuse et de repérer + 84 % de polypes, + 94 % d’adénomes et + 100 % de lésions planes.
ça se complique pour les diverticulites L’incidence des diverticulites compliquées aurait été multipliée par 1,4 entre 2000 et 2013, selon une étude de cohorte britannique. Pour les auteurs, cette augmentation serait due à l’accroissement des facteurs de risque de complications comme l’obésité et la sédentarité, sans négliger la prescription accrue de corticostéroïdes et d’opiacées voire d’AINS, connus pour favoriser le risque de perforation.
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