Dans les années 1980 avaient lieu les premières injections de collagène à visée esthétique. Trente plus tard, la dermato-esthétique « a beaucoup progressé », se félicite le Dr Martine Baspeyras (Bordeaux) qui animait une session sur ce thème lors des Journées de dermatologie interventionnelle de Paris.
« Effet miroir »
Côté produit, la toxine botulique est toujours d’actualité, avec l’arrivée annoncée d’une quatrième toxine en cours d’AMM. Elle suscite cependant des interrogations quand à son impact relationnel potentiel. Des études réalisées en psychologie montrent en effet l’importance des émotions sur l’expression faciale et vice versa. Ces travaux suggèrent que la mimique faciale permet à la fois d’exprimer ses propres sentiments mais aussi de mieux appréhender ceux des autres via notamment l’« effet miroir ». Cet effet miroir a été pressenti dès les années 80 avec la publication d’une étude montrant que les personnes mariées depuis longtemps finissent par se ressembler. D’autres travaux ont confirmé le phénomène en montrant qu’un auditeur imite inconsciemment l’expression d’une autre personne, ce qui provoque un mimétisme qui génère un signal du visage de la personne à son cerveau.
Dans ce contexte, des travaux ont été réalisés pour évaluer l’impact de la toxine botulique sur nos émotions et son effet cérébral. Le Dr David T. Neal (Californie) montre que la toxine botulique peut interférer avec la perception des émotions faciales : trois groupes de femmes sont invités à regarder des photographies de visage et à les faire correspondre à des émotions humaines. Celles ayant été injectées avec de la toxine sont moins précises dans le décodage des expressions faciales aussi bien positives que négatives alors que l’acide hyaluronique ne change pas cette perception. Pour le Dr Neal, les injections de toxine réduisent donc fortement la capacité d’une personne à sympathiser avec les autres. Il suggère aussi que chez les personnes injectées, le fait de ne pouvoir sourire quand on est heureux réduirait l’intensité de ce sentiment. Une autre expérience montre que les personnes dont les expressions faciales sont amplifiées déchiffrent mieux les émotions des autres.
Traitements sur mesure
Faut-il alors abandonner la toxine ? « Non », répond le Dr Baspeyras pour qui la toxine « a aussi des implications cérébrales positives ». Avec à la fois un impact bénéfique sur la perception de l’âge mais aussi sur le stress. L’idée est donc plutôt « de lever le pied sur les doses, en injectant “à la française” sans figer complètement les patients de façon à ce qu’ils puissent garder leur expression ».
À côté de la toxine botulique, les produits de comblements sont de plus en plus nombreux avec plus de 130 acides hyaluroniques injectables utilisables en France, « ce qui permet de mieux nous adapter au patient, pour une approche de plus en plus sur mesure », explique le Dr Baspeyras. Là encore, la tendance est à injecter « moins mais mieux ».
Les inducteurs tissulaires progressent aussi avec des produits plus faciles à injecter et l’arrivée annoncée d’un nouveau venu associant un anesthésiant local à l’inducteur proprement dit. La mésothérapie retrouve un essor avec la notion de « skin booster » (stimulation cutanée superficielle qui agit sur les ridules, la qualité de la peau, l’éclat du teint mais ne joue pas sur les rides).
Les peelings sont toujours d’actualité avec des combinaisons d’acides de fruits et l’association à des LED soit en fin de peeling pour limiter les effets secondaires et renforcer l’efficacité, soit sous formes de peelings photodynamiques où la substance active du peeling est activée par la LED. Il existe aussi un nouveau peeling à l’acide tricholoroacétique avec douleur très réduite. Enfin, la cryolipolyse est de plus en plus utilisée pour réduire les amas graisseux localisés en ambulatoire. Le froid déclenche une cristallisation des triglycérides stockés dans les adipocytes, ce qui entraîne une apoptose cellulaire progressive (en 2 à 8 semaines), sans variations des lipides sanguins.
En 2015, la tendance est donc à la multiplication des techniques et à leur association. « La tendance est aussi à un certain retour au naturel avec la remise en cause de l’hypercorrection stéréotypée ; au développement de l’ambulatoire et à des pratiques de plus en plus sécuritaires avec une attention accrue à la pharmacovigilance », résume le Dr Baspeyras.
Autre évolution : la dermato-esthétique devient préventive et s’adresse à des personnes de plus en plus jeunes. « Alors qu’avant on attendait que les gens soient très marqués pour agir, on préfère désormais intervenir plus en amont, par petites touches ».
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