Interrogée sur le déroulement de l’épidémie de grippe, le Pr Sylvie Van der Werf (directrice du centre national de référence France Nord pour la grippe à l’Institut Pasteur), tient à dégonfler un mythe colporté par les médias : cette grippe n’a pas été d’une gravité exceptionnelle : « D’autres épidémies de grippe aussi sévères ont déjà été vues en France. Il s’agit en revanche d’une épidémie d’ampleur “assez importante” qui a touché particulièrement les personnes âgées. »
Une surmortalité incontestable
En effet, la grippe 2015 est due en majorité à un virus de type H3N2 dont on sait qu’il touche plus particulièrement les seniors, particulièrement fragiles. Les virus grippaux sont à 61% du virus A(H3N2), à 21% du virus A(H1N1), le reste étant du A et du B. Les virus A(H3N2) se distribuent en deux groupes. Le premier est proche de la souche vaccinale alors que le second, non couvert par le vaccin, dépasse 50% des virus A(H3N2). D’où des hospitalisations plus importantes cette année par rapport aux précédentes. Et un nombre de décès plus important. S’il est difficile de relier directement à la grippe l’excès de mortalité hivernale de 8?500 décès constaté au 4 mars par l’InVs, une surmortalité liée à cette affection, même difficilement chiffrable, est incontestable.
Autre cause de l’ampleur de l’épidémie, la présence cette année de virus circulants, variants pour une part d’entre eux par rapport aux virus présents dans le vaccin. Avec, comme résultats, un niveau de protection conféré par la vaccination bien moindre que celui attendu (efficacité de 20 à 25%). Ceci est lié au fait que la composition vaccinale est décidée mi- février pour un vaccin qui sera mis dans les officines début octobre. Or le virus grippal varie en permanence. Des variants antigéniques sont ainsi apparus au cours de l’été pendant l’hiver austral, impossibles à’anticiper. Ces virus ont cependant été inclus au mois de septembre dans la composition vaccinale du vaccin destiné à l’hémisphère sud.
Et « il n’est malheureusement pas possible d’ “adapter” le vaccin en cours de route du fait des délais de production des souches vaccinales, des réactifs susceptibles de les contrôler et, surtout, du temps nécessaire pour produire, les doses nécessaires pour vacciner la population », souligne Sylvie Van der Werf. En revanche, pour le Pr Bruno Lina (hospices civils de Lyon, responsable du Centre national de référence sur la grippe), « conformément aux préconisations gouvernementales, l’emploi du Tamiflu® a été deux ou trois fois plus important que les années précédentes ».
Troisième facteur expliquant l’importance de l’épidémie, selon Bruno Lina, « la vaccination insuffisante des groupes à risques?» . Environ 50 à 52% des personnes composant ces groupes ont été vaccinées, soit un sur deux. Or, en 2009, ce taux était de 65%, soit presque deux sur trois.
27 % des personnes qui se faisaient vacciner ne le font plus
Cette baisse de vaccination rejoint d’ailleurs une tendance plus générale de la population française où on est aujourd’hui à 20% de vaccination chez les plus de de 15 ans, alors que ce taux était de 25% en 2009. 27% des personnes qui se faisaient vacciner auparavant ne le font donc plus. En cause, selon Bruno Lina, la propagation des discours anti-vaccinaux, un certain nombre d’articles scientifiques négatifs sur le vaccin et la dévalorisation de la vaccination lors de la pandémie de grippe A.
Enfin, concernant la polémique sur une prétendue impréparation des autorités sanitaires, lancée par les urgentistes de l’Amuf, le Pr Lina estime qu’il y a probablement eu un défaut d’organisation de certains hôpitaux, dû en grande partie à leur fonctionnement à flux tendu. « Il aurait fallu être capable de libérer des lits à l’avance, mais étant donné les restrictions financières, c’est difficile », dénonce-t-il. Tout en soulignant que les urgentistes, en lançant cette controverse, y avaient peut-être quelque intérêt.
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