Si les traitements actuels de l’hépatite B chronique (interféron, analogues nucléosidiques ou nucléotidiques type entécavir ou tenofovir) sont capables de rendre la charge virale indétectable et de prévenir en partie la survenue de complications, rares sont les patients qui peuvent les interrompre sans rechuter rapidement. La disparition de l’antigène HBs, reflet d’une suppression durable de la réplication virale, n’est observée que chez 3 % environ des patients après un an de traitement. Les traitements à vie sont donc la norme. Cependant, de nouvelles molécules sont au seuil des essais cliniques et permettent d’espérer, sinon une véritable éradication du virus, tout au moins une « guérison fonctionnelle », comme l’ont expliqué plusieurs spécialistes lors du congrès de l’European Association for the Study of the Liver (EASL, Paris 11 au 15 avril).
Tous ont insisté sur le fait qu’une combinaison de médicaments de mécanismes d’action différents sera très probablement nécessaire pour éliminer durablement le virus. Deux grandes pistes sont explorées, l’une visant à diminuer la réplication virale, l’autre à activer une réponse immunitaire spécifique, celle-ci étant défaillante chez les patients atteints d’hépatite B chronique en raison de la charge virale importante.
Bloquer la réplication virale
Plusieurs types de produits se sont montrés très efficaces, in vitro et in vivo, pour diminuer la réplication virale et la synthèse de protéines du VHB. C’est le cas des ARN interférents (ARNi) ou des petits ARN interférents (pARNi), ARN non codants qui mettent les gènes cibles au silence en se liant à leurs ARN messagers, pour les dégrader et inhiber leur traduction en protéine. ARO-HBV est un ARNi conçu pour bloquer toute transcription de l’ADN de l’HBV, y compris de l’ADN intégré au génome de l’hôte. Des injections répétées dans un modèle murin ont entraîné une réduction d’au moins 3,4 log de l’Ag HBs, 2 log de l’Ag HBe et 3,1 log de l’ADN viral.
D’autres résultats présentés par Thomas Michler (Munich) montrent l’efficacité d’une stratégie combinant de petits ARN interférents (pARNi) à un vaccin thérapeutique. Les pARNi ont été administrés à des souris infectées à raison d’une injection mensuelle pendant trois mois, suivie par la vaccination thérapeutique. Ce traitement a permis la baisse des Ag HBs et HBe en dessous du seuil de détection, suivie d’une séroconversion pour les anticorps HBs et HBe, synonyme de réponse durable, sinon de guérison. La réplication virale était encore inhibée cinq mois après la dernière injection, suggérant une guérison fonctionnelle.
Autre voie de recherche très active, les inhibiteurs de capside empêchent la formation de la nucléocapside virale, qui entoure et protège le matériel génétique du virus, permet son entrée dans le noyau et contribue à rendre les nouvelles particules infectieuses. Ces inhibiteurs ont l’intérêt de s’attaquer aussi à des ADN particuliers, les ADNccc (ou ADN circulaires clos de façon covalente), sorte de minichromosome qui permet au génome viral de persister dans le noyau des hépatocytes, même en l’absence de réplication virale. Guérir réellement l’hépatite B impliquerait de détruire ce réservoir viral, ainsi que l’ADN intégré au génome de l’hôte, qui résistent aux traitements actuels. Différentes classes d’inhibiteurs de la capside sont en développement, dont les inhibiteurs de la protéine core de la capside. Parmi ceux-ci, l’EP-027367 semble exercer un effet antiviral puissant. In vitro, il s’oppose à l’assemblage de la capside virale et à la formation d’ADNccc. In vivo, c’est « le premier inhibiteur de core à provoquer une baisse de 3 log de l’ADN et de l’ARN viral en monothérapie », a précisé Michael Vaine (Enanta Pharmaceuticals).
Injections de lymphocytes T
Enfin, une équipe allemande a mis au point une approche originale d’immunothérapie adoptive, consistant dans un premier temps à isoler des récepteurs lymphocytaires T spécifiques du VHB à partir de prélèvements de patients infectés, puis à les faire exprimer par des cellules T. In vitro, ces cellules bloquent la réplication virale, tuent les hépatocytes infectés et éliminent les antigènes viraux et l’ADNccc. In vivo, dans un modèle de souris chimérique porteuse d’hépatocytes humains, une seule injection a entraîné une guérison fonctionnelle chez cinq animaux sur six, et supprimé l’Ag HBs et l’ADNccc. Aucun rebond n’a été observé jusqu’à la fin de l’étude (40 jours).
Chez l’homme, cette approche a été utilisée pour la première fois, après transplantation hépatique, chez un patient atteint de métastases pulmonaires d’un hépatocarcinome secondaire à une hépatite B chronique, avec des résultats prometteurs.
Des pistes thérapeutiques anti-VHB prometteuses ont émergé. Peut-on espérer bientôt guérir l’hépatite B chronique, comme pour l’hépatite C ?
Pr Victor de Lédinghen Contrairement au VHC qui est un virus à ARN, le VHB est un virus à ADN qui s’intègre dans le génome des hépatocytes, ce qui le rend difficile à déloger. Ceci dit, de nombreux programmes “HBV Cure” sont en cours, aux États-Unis comme en Europe. À défaut d’obtenir de véritables guérisons, l’espoir est de permettre des rémissions prolongées sans médicaments, via des combinaisons de molécules agissant sur l’ensemble du cycle du virus dans la cellule. Comme on a pu le voir au congrès de l’EASL, plusieurs molécules sont actuellement en développement mais à des stades préliminaires. Il faudra confirmer leur efficacité et leur tolérance dans des essais de phases 3 puis développer des combinaisons, ce qui risque d’être compliqué car cela suppose des collaborations entre laboratoires… En étant très optimiste, on peut donc espérer voir arriver les premières molécules dans les cinq à dix ans à venir.
L’élimination de la maladie est-elle envisageable ?
Pr V. de L. Si on trouve une molécule ou une combinaison capable de supprimer la synthèse d’ADN viral ou de faire en sorte qu’il n’y ait plus d’ADNccc, on peut effectivement espérer éliminer l’infection. L’OMS a d’ailleurs fixé comme objectif l’élimination de toutes les hépatites virales d’ici 2030. Cela me semble très ambitieux, sauf si en parallèle de ces nouveaux traitements se développe encore et encore la vaccination. Pour l’hépatite B nous avons la chance d’avoir un vaccin, qui reste pour le moment le meilleur traitement, comme en témoigne l’exemple de Taïwan.
Il y a 30 ans, ce pays avait une prévalence de l’hépatite B parmi les plus élevées au monde, avec une mortalité très importante. La vaccination a été rendue obligatoire et en une génération, la maladie s'est effondrée.
Qu’en-est-il en France ?
Pr V. de L. En France, la prévalence de l’hépatite B a plutôt tendance à augmenter, notamment du fait de l’immigration. Les dernières estimations officielles font état de plus de 400 000 personnes atteintes (contre 110 000 désormais pour l’hépatite C) et ce chiffre est très certainement en dessous de la réalité. Or, pour le moment l’hépatite B reste une maladie grave. Par rapport au VHC et au VIH, le VHB est certainement le virus le plus agressif, avec un pouvoir contaminant très important et un risque réel de cancer, même en l’absence de cirrhose.
Propos recueillis par Bénédicte Gatin
* Hépatologue (CHU Bordeaux et membre de l’Association française pour l’étude du foie)
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