« Mieux comprendre, mieux prévenir et mieux guérir » sont les maîtres mots qui guident la philosophie portée par l’Institut des cancers des femmes, un nouvel IHU fondé par l’Institut Curie, l’université Paris Sciences et Lettres (PSL) et l’Inserm et dirigé par la Pr Anne Vincent-Salomon. Financé à 20 millions d’euros par l’Agence nationale de la recherche et 10 millions d’euros par la Fondation Curie, l’institut ambitionne de fédérer de multiples disciplines, de la biologie fondamentale aux sciences humaines et sociales, pour faire progresser les connaissances autour des cancers féminins. Coralie Chevallier, directrice de recherche en sciences cognitives à l’Inserm, argumente : « Toutes les sciences sont sources d’innovation et de progrès et ont un rôle à jouer ».
En France, 78 000 femmes sont atteintes d’un cancer du sein ou gynécologique chaque année, dont 20 000 décès. Avec une survie de 45 % à 5 ans, le cancer de l’ovaire qui touche 5 200 patientes par an, est la quatrième cause de décès par cancer chez la femme. L’incidence et la mortalité des cancers gynécologiques stagnent depuis une quinzaine d’années, témoignant d’un besoin d’aller plus loin dans la recherche et la compréhension fine des tumeurs.
Enrichir les connaissances fondamentales…
L’Institut des cancers des femmes rassemble plusieurs équipes qui plongent dans les mécanismes d’émergence des tumeurs et de leur évolution. Les chercheurs étudient aussi les tumeurs rares et complexes et leurs spécificités. Analyse en cellule unique, transcriptomique spatiale, étude de l’écosystème tumoral sont autant d’approches qui seront déployées pour comprendre en détail les différents cancers féminins. Les équipes ambitionnent la construction d’un Women’s Cancer Atlas multidimensionnel qui rassemblera imageries, diagnostics, aujourd’hui entièrement digitalisés, ou encore des données de qualité de vie.
Les expertises des différents acteurs de l’IHU se complémentent pour aller plus loin dans la recherche de pointe et la médecine de précision. L’université PSL apporte son lot de spécialités : ingénierie, biologie cellulaire, sciences humaines et sociales, etc. L’Institut Curie donne l’impulsion à l’analyse de l’ADN tumoral circulant, qui sera un champ entier de la R&D menée à l’institut. L’école des Mines et sa maîtrise de l’intelligence artificielle en imagerie médicale devraient permettre des avancées majeures.
D’autres technologies du numérique voient aussi le jour au sein de l’institut. Les tumeurs sur puces, sortes de « super organoïdes », permettent de tester des traitements sur un avatar biologique des patientes. L’utilisation du jumeau numérique sera utile pour éviter les traitements en échec et aller au plus vite à la meilleure option thérapeutique. Cette technologie facilitera aussi les essais cliniques en créant des cohortes de jumeaux numériques.
… pour améliorer le parcours de soins et la qualité de vie des patientes
Selon le type de cancer, des femmes de tranches d’âge très disparates sont touchées. Leurs parcours de soins et de vie sont fondamentalement différents. L’IHU compte implémenter un centre de référence pour les cancers des jeunes femmes qui prendra en considération les défis médicaux et psychosociaux, notamment les impacts sur la fertilité ou la sexualité. Un parcours oncogériatrique est aussi prévu pour les femmes âgées avec une stratégie de désescalade thérapeutique, particulièrement pour la chirurgie.
L’institut innove aussi dans son organisation en intégrant les patientes expertes et les associations de patientes au centre des réflexions. « Nous ne sommes pas que des cancers gynécologiques, nous sommes des patientes concernées », rappelle Laure Guéroult-Accolas, représentante du Comité des patients de l’IHU. La localisation physique de l’IHU en plein cœur de l’hôpital de l’Institut Curie permet aussi d’intégrer les soignants et d’aboutir à des choses concrètes. Isabelle Fromantin, infirmière chercheuse, coordonne le Women’s Living Lab, un lieu d’échange entre tous les acteurs du parcours des patientes pour développer des innovations améliorant leur qualité de vie : « Nous souhaitons aller de la belle recherche jusqu’à l’outil de soin ».
Des politiques de santé et de prévention adaptées aux enjeux
Les politiques de santé publique sont primordiales dans la prévention et la prise en charge des cancers féminins. Par exemple, « chaque année, il y a plus de décès de femmes d’un cancer du col de l’utérus que sur les routes, alors que nous disposons d’un vaccin efficace », s’insurge Coralie Chevallier. Et le Pr Fabrice Lecuru, chef de service d’oncologie gynécologique à l’Institut Curie, de renchérir : « Nous pourrions quasiment supprimer les cancers du col de l’utérus s’il y avait une politique volontariste comme en Australie. » L’implication des experts en sciences humaines et sociales pour trouver les outils pédagogiques adaptés est cruciale.
Il faut défendre le système de soin public, le rêver et le co-construire
Pr Anne Vincent-Salomon, directrice de l’IHU
La formation des médecins au suivi oncologique est un levier important pour guider vers le bon parcours de soins une fois un diagnostic établi. Pour la Pr Anne Vincent-Salomon, c’est un enjeu fort à relever qui doit passer par un travail avec les réseaux de médecine de ville et les associations de patientes. Le comité de l’institut aspire à créer de nouveaux outils de formation et des universités de patients experts. Un autre souhait est de former les étudiants de l’IHU à l’état d’esprit pluridisciplinaire et son importance dans le domaine, en développant un diplôme consacré à la prévention des cancers des femmes. La Pr Vincent-Salomon revendique : « Il faut défendre le système de soin public, le rêver et le co-construire ».
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