À côté des “classiques” colites inflammatoires (type MICI), médicamenteuses ou encore ischémiques, voici les colites microscopiques (CM). Encore mal connues, ces pathologies ont fait l’objet d’une plénière dédiée lors du récent congrès européen de gastroentérologie (UEGW, Vienne, 20-24 octobre). Elles correspondent à une infiltration lymphocytaire ou collagène de la muqueuse colique.
Comme l’a expliqué le Pr Andreas Münch (Hôpital de Linköping, Suède), ces colites « semblent être en augmentation depuis les années 2 000 et leur fréquence approcherait celle de la rectocolite hémorragique ou de la maladie de Crohn ». En France, leur incidence serait de 8/100 000 habitants, selon les chiffres de 2017, avec une fréquence plus élevée chez la femme (x 3) et après 50 ans, notamment en cas de désordre auto-immun type thyroïdite.
Colites microscopiques ou syndrome de l’intestin irritable ?
Sur le plan diagnostique, les colites microscopiques peuvent être facilement confondues avec un syndrome de l’intestin irritable (SII) puisqu’elles associent douleurs abdominales, diarrhée et perte de poids. Mais contrairement au SII, la diarrhée est plus volontiers nocturne et hydrique, responsable d’incontinence fécale, ce qui altère plus fortement la qualité de vie des malades. Selon les derniers chiffres, devant un tableau compatible avec un SII, une CM est retrouvée dans 7 % des cas.
En pratique, « la coloscopie doit être proposée en cas de SII avec diarrhée chez une patiente de plus de 50 ans », ajoute Andreas Münch. Seules des biopsies étagées du côlon permettent d’affirmer le diagnostic, « car il n’existe aucune anomalie macroscopique de la muqueuse pouvant faire évoquer une CM, ni aucun biomarqueur identifié ». Les biopsies mettront alors en évidence soit une colite collagène (présence d’une bande sous-épithéliale de collagène de plus de 10 microns) soit une colite lymphocytaire (une infiltration de l’épithélium avec plus de 20 % de lymphocytes intra-épithéliaux) ; les deux pouvant être associées.
Avant de traiter une colite microscopique, il faut penser à rechercher un facteur favorisant, éventuellement modifiable. En 2018, plusieurs publications ont identifié le tabac comme facteur de risque (risque multiplié par 2,5 chez les fumeurs actifs, et par 1,5 chez les anciens fumeurs) avec un effet dose marqué. Certains médicaments peuvent aussi être impliqués. Les molécules les plus souvent incriminées « sont les IPP, en particulier le lansoprazole, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les antidépresseurs ISRS et les veinotoniques », explique le Dr Stephen Miehlke (Center for Digestive Diseases, Hambourg). Une étude de 2018 suggère le rôle potentiel des traitements hormonaux de la ménopause, pouvant expliquer la prépondérance féminine.
Les ralentisseurs de transit inefficaces
Concernant la prise en charge thérapeutique, les ralentisseurs du transit sont le plus souvent sans effet. Cette inefficacité peut constituer un argument en faveur d’une CM et de la coloscopie. « Plusieurs études randomisées parues ces dernières années et en 2018 ont clairement montré que la mésalazine n’était pas supérieure au placebo », assure le Pr Anna Wickborn (Orebro University, Suède).
Le traitement de choix est le budésonide, corticoïde dépourvu d’effet systémique, compte tenu d’un important effet de premier passage hépatique. 80 % des patients sont répondeurs à six mois et 60 % à un an. Malgré cet épuisement thérapeutique, un traitement prolongé à la dose minimale efficace ou des cures itératives prescrites en fonction des rechutes sont préconisées. Même si la sécurité d’emploi du budésonide semble bonne, avec une étude de 2018 rassurante vis-à-vis du risque d’ostéoporose pour une utilisation sur le long terme, les patients sous traitement prolongé doivent réaliser régulièrement une ostéodensitométrie et recevoir une supplémentation en vitamine D et calcium.
Exceptionnelle, la colectomie concerne des patients jeunes et réfractaires au traitement. Pour ces malades, la recherche avance, avec des études en cours sur les immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate), les anti-TNF et la transplantation fécale, quelques études suggérant des modification du microbiote dans cette pathologie.
La toxicité hépatique des plantes et compléments alimentaires sous-estimée
20 % de la population en Europe consommaient des plantes et des compléments alimentaires en 2014. Ce phénomène, en forte croissance ces dix dernières années, expose à un risque de toxicité hépatique, ont alerté les spécialistes lors du congrès.
Les mécanismes en cause peuvent être soit une toxicité directe sur les hépatocytes, soit immuno-allergiques, avec à la clé une hépatite aigüe, chronique, cytolytique ou cholestatique. Or, 30 à 50 % des utilisateurs ne mentionnent pas leur consommation à leur médecin.
C’est pourquoi, devant des anomalies inexpliquées du bilan hépatique, il faut toujours penser aux médicaments qui figurent sur l’ordonnance mais ne pas oublier ceux pris en automédication, ainsi que les plantes médicinales ou compléments alimentaires, non considérés comme des médicaments par les patients.
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