Selon le Dr Françoise Giordano-Labadie (service de dermatologie du CHU de Toulouse), qui a abordé ce sujet au cours du neuvième congrès francophone d’allergologie (Paris, 15-18 avril 2014), « il existe actuellement une véritable épidémie d’allergie de contact à la méthylisothiazolinone », allergène utilisé comme conservateur dans les cosmétiques, les produits professionnels et ménagers.
Cette sensibilisation en hausse s’explique par la réduction, au cours des dix dernières années, sous la pression des consommateurs, de l’utilisation d’autres conservateurs – comme les parabens et le formaldéhyde – et le recours accru à partir des années 2000 à la méthylisothiazolinone, consi-dérée à tort à l’époque comme un sensibilisant faible. Elle devient connue comme allergène de contact professionnel, en particulier dans les peintures dès 2004, puis en tant qu’allergène cosmétique en 2010, dans les lingettes, les shampooings, les cosmétiques pour le visage, les déodorants et les produits de protection solaire. Des cas sévères d’eczéma de contact aéroportés à partir de murs récemment peints ou de nettoyants pour toilettes sont ensuite signalés dès 2012.
Tests positifs multipliés par trois
L’analyse pratiquée par le Réseau de vigilance en dermato-allergologie sur des données provenant de 16 centres français, portant sur 7 874 patients testés avec la méthylisothiazolinone pour l’allergie de contact entre 2010 et 2012, a montré que la proportion de tests positifs à ce produit a triplé en trois ans. Les femmes représentent 77% des cas de sensibilisation tandis que l’âge médian des sensibilisés est compris entre 39 et 43 ans.
L’ensemble des études réalisées à l’échelle européenne retrouvent la même tendance, soit une augmentation significative de la prévalence de la sensibilisation à la méthylisothiazolinone, pour aboutir, en 2012, à une prévalence comprise entre 5,6 et 6% des malades testés pour eczéma de contact. Ce produit a, dès lors, été inclus en novembre 2013 dans la batterie de tests standards européenne. De plus, cette molécule a été déclarée « allergène de l’année » en 2013 aux Etats-Unis et va être intégrée dans la batterie de tests standards pratiquée en routine outre-Atlantique.
Réglementation européenne
Par ailleurs, un avis du Scientific Committee on Consumer Safety publié en décembre 2013 à la Commission européenne signale que la méthylisothiazolinone à sa concentration actuelle dans les cosmétiques non rincés (comme les lingettes humides destinées à l’hygiène intime ou à usage domestique) peut déclencher chez l’utilisateur un eczéma de contact allergique. Une consultation a été ouverte et devrait déboucher sur une réglementation au niveau européen.
Toujours dans le domaine des allergies professionnelles, on assiste actuellement, selon le Pr Christophe Paris ( CHU de Nancy), chez les professionnels de santé, à des cas de sensibilisation à des composés des gants en PVC qui ont remplacé les gants en latex. On constate aussi au sein du personnel de soins une augmentation forte des cas d’asthme allergique, par sensibilisation aux ammoniums quaternaires, utilisés comme produits désinfectants dans les hôpitaux et cliniques.
Asthme sévère : les thérapeutiques récentes
Le Pr Patrick Berger (CHU de Bordeaux) a fait le point sur l’emploi des anti-IgE en cas d’asthme sévère. L’omalizumab (Xolair®) est la première biothérapie à avoir obtenu l’AMM pour améliorer le contrôle d’un asthme allergique persistant, sévère, non contrôlé. Il s’agit d’un anticorps monoclonal de type IgG1 humanisé qui se lie à toutes les formes circulantes d’IgE en empêchant leur fixation aux récepteurs présents sur les cellules responsables de la réaction allergique.
Patrick Berger en a rappelé les indications. Il s’agit de l’adulte et l’adolescent atteint d’asthme allergique persistant sévère, ayant un test cutané positif ou une réactivité in vitro à un pneumallergène annuel et qui, malgré un traitement quotidien par un corticoïde inhalé à forte dose et un bêta-2- agoniste inhalé à longue durée d’action, présente une réduction de la fonction pulmonaire avec VEMS < 80% de la théorique, des symptômes diurnes ou des réveils nocturnes fréquents et des exacerbations d’asthme sévères, multiples et documentées. Pour les enfants de six à douze ans, l’indication est la même, sans la limite du VEMS.
Plusieurs essais randomisés contre placebo ont été réalisés et ont montré de bons résultats. Soit une réduction de 40 à 60% de la fréquence des exacerbations, des hospitalisations, du recours aux urgences, de la consommation de corticoïdes oraux et une amélioration du contrôle de l’asthme avec une tolérance satisfaisante, dans l’étude du Pr J. Bousquet (CHU de Montpellier) parue en 2011. Les études européennes menées de 2008 à 2013 sur 1?500 patients ont confirmé ces résultats avec une réduction de la fréquence des exacerbations supérieure à 60% et une amélioration de l’ordre de 60 à 80% concernant les hospitalisations et le recours aux services d’urgence. La tolérance a, dans ces travaux, été jugée « globalement satisfaisante ».
D’autres perspectives d’avenir se dessinent pour l’omalizumab. Son usage dans l’asthme sévère non allergique fait actuellement l’objet de recherches. Notons, par ailleurs, que ce médicament a été utilisé pour traiter l’urticaire chronique, comme l’a indiqué le Dr Sylvie Leroy (CHU de Nice). Deux études publiées en 2013 montrent un bénéfice très rapide de l’omalizumab sur le score de prurit : les patients sont très améliorés dans la semaine qui suit la prise du médicament. Mais cet effet ne dure que jusqu’à la fin du traitement.
Autre thérapeutique très récente de l’asthme sévère, la thermoplastie bronchique. Le Dr Leroy en a rappelé les caractéristiques. Il s’agit d’un bronchoscope muni en son extrêmité d’un catheter avec un « micro-ondes intégré ». Le but recherché est de « griller les bronches », c’est-à-dire chauffer les fibres musculaires lisses bronchiques afin de diminuer la bronchoconstriction. Une étude en double aveugle sur 162 patients traités pendant cinq ans par thermoplastie ou par bronchoscopie simple a été publiée en 2010. Dans le bras thermoplastie, on constate une réduction des exacerbations et des consultations d’urgence, avec des effets secondaires similaires dans les deux groupes. Les résultats du traitement, bien que modestes, semblent se maintenir dans le temps.
Les données de la database cochrane qui a repris les trois études publiées sur la thermoplastie dégagent, quant à elles, un bénéfice clinique modeste mais qui pourrait intéresser quelques asthmatiques récalcitrants. « Reste encore à bien définir les cibles thérapeutiques », ajoute le Dr Leroy, rejoignant en cela les conclusions récemment publiées d’une conférence de consensus sur le sujet.
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