Il était temps de réviser les recommandations sur les céphalées chroniques quotidiennes, les dernières, publiées par la HAS (anciennement Anaes), en partenariat avec trois sociétés savantes*, datant de 2004. C’est désormais chose faite : la nouvelle mouture a été présentée lors du congrès de la Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD). « Ces recommandations seront publiées dans la Revue Neurologique au premier trimestre 2014 », indique le Dr Anne Donnet (Marseille).
Toutefois, malgré leur intérêt et leur sérieux certain, ces nouvelles recos ne porteront pas la griffe de la HAS, l’agence ayant décliné la validation de leur contenu, « en raison de liens d’intérêt de certains membres », expose le Dr Malou Navez (Saint Etienne). Cette attitude de l’autorité de santé risquant de devenir quasi systématique pour bon nombre de recommandations, elle n’a pas ému outre mesure les trois sociétés savantes qui ont épluché la littérature, depuis août 2004 jusqu’en 2012, dans le dessein de produire en leur nom propre des recommandations classées en différents niveaux de preuve (grade A, B, C ou accord professionnel). Un travail minutieux qui a abouti à la proposition d’un nouvel arbre décisionnel (ci-dessous).
Outre la démarche diagnostique générale en cas de céphalée chronique quotidienne (CCQ), ces recommandations se focalisent sur la prise en charge des CCQ chez le migraineux. « L’élément le plus nouveau, c’est l’apparition du concept de migraine chronique en tant qu’entité à part entière, et non plus en tant que complication de la migraine épisodique », avance Anne Donnet. De plus, la notion d’absence d’abus médicamenteux a été exclue de la définition actuelle de la migraine chronique. Il importe donc, désormais, en cas de CCQ chez le migraineux, de faire le diagnostic différentiel entre migraine chronique et céphalée par abus médicamenteux. « Ce diagnostic ne sera pas posé d’emblée, mais après la réalisation
d’un sevrage médicamenteux durant deux mois », explique le Dr Haiel Alchaar (Nice). Si celui ci réussit, il s’agit alors d’une migraine par abus médicamenteux. S’il échoue, le diagnostic est celui de migraine chronique ».
Sevrage, encore des inconnues
Le sevrage peut se faire en ambulatoire (de façon brutale ou progressive), ou en milieu hospitalier (toujours de façon brutale). Afin d’accompagner le patient dans ce sevrage, on peut mettre en place un traitement antimigraineux prophylactique avec, en premier lieu, l’amitriptyline ou le topiramate ou tout autre traitement de fond antimigraineux. « Le choix est établi en fonction des comorbidités et du traitement antérieur, tout en sachant qu’il faut éviter le topiramate chez le patient en surcharge pondérale ou déprimé, indique le
Dr Alchaar. Pour les patients avec un abus médicamenteux très ancien ou en cas de dépendance comportementale ou de comorbidité psychiatrique, on préfèrera une prise en charge hospitalière avec amitriptyline par voie IV ».
De plus, un accompagnement non pharmacologique sera envisagé (démarche éducative, prise en charge comportementale, addictologique, relaxation, etc). « Mais il reste encore beaucoup d’inconnues quant aux modalités du sevrage, regrette le Dr Michel Lanteri-Minet (Nice). On ignore en effet quelle est la meilleure option entre sevrage hospitalier et ambulatoire, entre sevrage brutal et progressif. On ignore aussi comment gérer au mieux les céphalées de rebond et quelle place accorder au traitement pharmacologique et non pharmacologique… Aucun protocole n’est encore validé. »
Migraine chronique : la nouvelle donne
Toutefois, le résultat du sevrage permet d’établir un diagnostic a posteriori. S’il échoue, on diagnostique une migraine chronique. Elle se définit par une CCQ (céphalées au moins 15 jours par mois pendant au moins 3 mois, avec une durée des crises ›4 h sans traitement) chez un patient qui a des antécédents de maladie migraineuse, avec ou sans aura, et qui présente au moins 8 jours par mois des céphalées avec sémiologie migraineuse avec ou sans aura. Enfin, elle n’est pas attribuable à une autre cause. « La migraine chronique présente donc plusieurs nouveautés : elle peut s’exprimer par des crises sans aura, mais aussi avec aura ; et elle peut survenir chez un patient dont la maladie préexistante était une migraine avec ou sans aura. Aussi, on a supprimé la notion d’abus médicamenteux », détaille Anne Donnet.
La céphalée par abus médicamenteux
Si le sevrage réussit, il s’agit d’une céphalée par abus médicamenteux. Elle se définit par une CCQ avec prise depuis plus de 3 mois d’un ou plusieurs médicaments pouvant être utilisés comme traitement de la céphalée, et non attribuable à une autre cause. Cette prise médicamenteuse est présente plus de 15 jours par mois pour les antalgiques non opioïdes (paracétamol, aspirine, AINS) ; ou plus de 10 jours par mois pour les autres traitements de crise (opioïdes ergotés, triptans, associations de plusieurs principes actifs).
De plus, le type de médicament de l’abus a son importance. « Les céphalées par abus aux opiacés s’accompagnent souvent de fortes comorbidités et d’un comportement de dépendance. Alors que celles avec abus aux AINS ou triptans présentent peu de comorbidités et une faible dépendance », compare le Dr Lanteri-Minet. Le problème majeur de ces céphalées est le risque de récidive important après le sevrage. Et de façon encore plus marquée dans celles par abus aux opiacés. Le taux de rechute monte jusqu’à 50%, essentiellement dans les 6 premiers mois. « D’où l’importance de mettre en place un suivi clinique sur le long terme, un traitement prophylactique antimigraineux et de s’assurer de la bonne tenue de l’agenda, martèle le Dr Lanteri-Minet. Et, surtout, de rappeler le seuil de consommation maximal d’antimigraineux pour le traitement de crise : il ne doit pas dépasser régulièrement 2 jours par semaine ». Ce seuil hebdomadaire à respecter est primordial. Lorsqu’il est dépassé, cela doit devenir un signe majeur d’alerte pour le patient.
Stratégie thérapeutique
En cas de migraine chronique, on mettra en place un traitement prophylactique antimigraineux en première intention. Mais «?n’oublions pas que dans 26% des cas, la migraine chronique guérit d’elle même : elle revient spontanément au stade de migraine épisodique?», évoque Anne Donnet. Un élement à prendre en compte dans l’évaluation de la stratégie thérapeutique. Si ce n’est pas le cas, le traitement prophylactique à privilégier est le topiramate, qui a le niveau de preuves d’efficacité le plus élevé. Chez des patients présentant des contre-indications ou une intolérance au topiramate, on peut envisager un autre traitement de fond.
En revanche, si les traitements pharmacologiques ne marchent pas, un avis en structure tertiaire peut être envisagé afin d’accompagner les patients, de gérer les comorbidités, la dépression ou le surpoids si ces facteurs sont présent. Mais, les alternatives pharmacologiques sont minimes. « Contrairement aux Etats-Unis ou à la majorité des pays d’Europe, on ne peut pas, en France, réaliser des injections de toxine botulique de type A en tant que traitement de la migraine chronique, car les autorités de santé n’ont pas accordé l’AMM ni de RTU, avançant que la méthodologie et le protocole des études présentées n’étaient pas satisfaisants, déplore le Dr Donnet. La seule alternative que nous pouvons proposer aux patients est la stimulation du nerf grand occipital, qui reste toutefois une technique plus agressive, avec un niveau de risque plus élevé ».
Dans la céphalée par abus médicamenteux, une fois l’addiction médicamenteuse disparue, les céphalées peuvent persister. On redémarrera donc après le sevrage un traitement de fond, à base d’amitriptyline ou autre traitement de fond. Le patient aura également la possibilité de prendre des traitements de crise, en évitant la codéine. Et, surtout, avec la consigne de ne pas dépasser plus de deux prises par
semaine.
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