Fil rouge du XVIIIe Congrès de pneumologie de langue française (Marseille, 31 janvier-2 février 2014), le cancer broncho-pulmonaire (CP) a été abordé sous toutes les facettes. Côté épidémiologie, l’incidence de ce cancer est en France de 39 500 nouveaux cas par an, avec une répartition inégale sur le territoire dessinant une véritable « carte de la déprivation sociale, selon G. Zalcman (Caen), qui calque son incidence sur le taux de chômage ».
Une étude prospective observationnelle, KBP-CPHG, menée sur 10 ans par le Collège des pneumologues des hôpitaux généraux montre une évolution vers l’augmentation de l’âge des patients, de la proportion de femmes, de non-fumeurs, d’adénocarcinome (de 25 à 49%) et des tumeurs de stade IV. La survie à 5 ans des cancers bronchopulmonaire non à petites cellules (CBNPC) s’améliore?: à 14,5%, elle est une des meilleures d’Europe (11%). Des résultats cependant loin d’être satisfaisants, et qui pourraient être améliorés par le dépistage. Sur ce plan, la radiologie thoracique et la cytologie permettent de détecter des stades plus précoces de cancers du poumon mais sans faire reculer la mortalité spécifique.
Le dépistage ciblé fait son chemin
Pour la première fois, l’étude américaine NLST (National Lung Screening Trial) portant sur 50 000 personnes a montré que le dépistage ciblé par scanner faible dose permettait de diminuer significativement la mortalité spécifique par CP de 20% mais aussi la mortalité globale. Ce programme concernait les fumeurs ou anciens fumeurs de plus de 30 paquets-années, ayant arrêté depuis moins de 15 ans et âgés de 55 à 74 ans. Il comporte un scanner annuel pendant deux ans avec réévaluation en fonction de l'avancée en âge et des facteurs de risque.
Si on extrapole les résultats du NLST à tous les États-Unis, 18 000 décès par CP pourraient être évités chaque année. Ces données ont suffi aux diverses sociétés américaines et canadiennes à recommander ce dépistage. « Pour les experts français, explique Bernard Milleron (hôpital Tenon, Paris), il parait possible d’effectuer un dépistage des personnes répondant aux mêmes critères que ceux du NLST, associé à un engagement dans une démarche de sevrage tabagique et une information précise sur la balance bénéfice/risque ».
Ce dépistage suscite, en effet, un certain nombre de questions sur son coût, le risque lié à l’irradiation, l’impact sur le sevrage tabagique – un dépistage négatif peut faussement rassurer le fumeur sur son avenir – et le danger de sur-diagnostic et son cortège d’explorations inutiles voire invasives.
Le premier enjeu est d’établir des règles strictes pour la conduite à tenir devant la découverte d’un nodule. La stratégie adoptée dans le programme hollandais NELSON, basée sur la taille des nodules et leur temps de doublement réduit notablement le nombre de faux positifs et de gestes invasifs. L’autre challenge est d’affiner le profil de risque des patients pour améliorer l’intérêt du screening en tenant compte, par exemple, des antécédents familiaux de CP, des antécédents personnels d’infection pulmonaire, de BPCO, d’autres cancers, ou d'exposition à des carcinogènes, peut-être associé à l’avenir à un dosage des biomarqueurs.
Cartographie moléculaire
L’utilisation de biomarqueurs guidant le traitement est aussi très prometteuse. D’ores et déjà en France, la caractérisation des CBNPC a totalement changé avec la cartographie moléculaire : on est passé d’une distinction entre adénocarcinomes, épidermoïdes et autres à une classification en fonction des mutations tumorales. « Il s’agit d’un outil unique au monde mis en place grâce au soutien de l’INCa : 28 plateformes régionales françaises de biologie moléculaire centralisent depuis 2010 tous les prélèvements et recherchent en routine 7 anomalies moléculaires », se félicite le Pr Fabrice Barlesi (Marseille). On a pu ainsi dénombrer les anomalies portant sur EGFr activatrice (9,5% des cas) ou inhibitrice (0,8%) HER2 (0,9%), KRAS (27%) BRAF (1,7%) PI3KCA (2,6%) et ALK 3,7%.
L’étude Biomarqueurs France, initiée par l'intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique en collaboration avec l’INCa, a été saluée dans les derniers congrès internationaux. Elle met en perspective données cliniques et caractéristiques moléculaires des CP, afin de dégager des lignes conductrices pour les stratégies thérapeutiques. « En 2014, la décision thérapeutique doit être guidée par la recherche de mutations, susceptibles de rendre éligible le patient à des thérapies ciblées qui ont permis de multiplier par deux la réponse au traitement. »
Actuellement, la présence d’une mutation ne débouche pas forcément sur la possibilité d’une thérapie ciblée, et seuls 10 à 20% des patients peuvent en bénéficier – essentiellement ceux présentant une mutation EGFr ou un réarrangement ALK –, mais ce nombre devrait augmenter avec la mise sur le marché de nouvelles molécules. à terme, la recherche de l’ADN tumoral dans le sang pourrait aussi éviter les bio-psies, ce qui faciliterait aussi la surveillance du profil mutationnel sous traitement afin de repérer les résistances et d’adapter le traitement en fonction des altérations moléculaires.
La vaccination anti-tumorale poursuit son ascension
Toujours sur le plan thérapeutique, « l’immunothérapie s’impose comme une voie prometteuse », souligne Olivier Adotevi (Besançon). En particulier avec les anti-CTLA-4 (Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4), et anti-PD1/PDL1 (Programmed cell death 1/ligand 1), qui amène un taux de réponse important, d’autant plus élevé que l’expression tumorale des CTLA-4 ou anti-PD1/PDL1 est élevée.
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