Les progrès de la connaissance du rôle du microbiote intestinal ainsi que de celui du poumon vont-ils révolutionner la compréhension des phénomènes allergiques ? L’influence de ces microbiotes dans la survenue des allergies de l’enfant a constitué un point fort du dixième congrès de la Société Française d’Allergologie qui s’est tenu à Paris du 21 au 24 avril 2015.
Le rôle joué par le microbiote du poumon dans les allergies respiratoires a été développé par le Dr Anne Tsicopoulos (CHU de Lille). Des études récentes ont, en effet, montré que le poumon n’était pas stérile et présentait une microflore spécifique. Des travaux chez l’homme ont révélé que le microbiote pulmonaire est différent chez les patients asthmatiques sans qu’il y ait de relation avec la sévérité de l’asthme. Un travail a mis en évidence une corrélation entre la diversité du microbiote pulmonaire et le degré d’hyperréactivité bronchique chez les asthmatiques. Une autre étude a montré que la formation du microbiote pulmonaire en période néonatale induit des cellules régulatrices régulant la susceptibilité aux acariens à l’âge adulte. Quant au microbiote intestinal, selon Stéphane Hazebrouck (Commissariat à l’énergie atomique, Saclay), il est maintenant fortement suggéré que des modifications dans sa composition soient associées au développement des maladies allergiques.
La biodiversité bactérienne dans l’intestin a été estimée à environ 1 200 espèces comptant 1014 bactéries, soit dix fois le nombre de cellules du corps humain. À la naissance, le microbiote intestinal est acquis de manière progressive et sa composition se stabilise vers l’âge de 2-3 ans. L’implantation des bactéries commensales dépend du mode d’accouchement, de l’allaitement, des infections, de la diversification alimentaire et de l’environnement familial.
L’hypothèse hygiéniste suggère que la maturation correcte du système immunitaire nécessite une exposition répétée à de nouveaux antigènes bactériens et que l’appauvrissement de notre environnement microbien favorise le développement de réponses immunes inadaptées contre des antigènes normalement inoffensifs. Des modèles expérimentaux semblent confirmer cette hypothèse. Ainsi, l’absence de microbiote intestinal chez des souris axéniques (vivant dans un environnement stérile) ne permet pas une maturation correcte du système immunitaire et induit chez des animaux des réponses allergiques exagérées après sensibilisation expérimentale. Le même résultat est observé chez des souris conventionnelles qui reçoivent dès la naissance un traitement antibiotique. Par ailleurs, la colonisation de souris axéniques avec un mélange de Clostridia isolées à partir d’un microbiote humain est capable d’induire des cellules T régulatrices au niveau de leur côlon.
[[asset:image:5601 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["Phanie"],"field_asset_image_description":[]}]]Chez l’homme, des études épidémiologiques ont montré que le microbiote intestinal de nouveau-nés qui vont développer une allergie est déséquilibré au profit d’entérocoques et Clostridia. De plus l’exposition aux antibiotiques en pré- ou néonatal augmente le risque de développer un asthme allergique. Enfin, la colonisation intestinale par Clostridium difficile à l’âge d’un mois est associée au développement d’un eczéma et d’un asthme à l’âge de 6 à 7 ans. Ces constats ouvrent ainsi la voie au développement de souches probiotiques de deuxième génération, plus efficaces et mieux adaptées.
Epigénétique : un mécanisme majeur de prédisposition allergique
Le nombre d’études qui associent directement les changements épigénétiques avec les maladies allergiques est en augmentation Le rôle des mécanismes épigénétiques dans le développement de l’asthme et des maladies allergiques, a fait l’objet d’un exposé du Dr Valérie Siroux (Grenoble, Inserm U 823). Ces mécanismes conduisent à des modifications dans l’expression des gènes, transmissibles par division cellulaire. Ils surviennent sans changer directement la séquence d’ADN. Les processus sont multiples, les principaux étant la méthylation de l’ADN, l’acétylation des histones et les miRNA, qui bloquent la transcription de l’ARNm. Ces modifications sont héritables, réversibles et sensibles aux stimuli environnementaux. Elles surviennent sur des fenêtres de susceptibilité plus importantes (in utero, à la naissance et à l’adolescence). Les mécanismes épigénétiques seraient notamment en cause dans l’hyperréactivité bronchique, dans la persistance des sifflements chez l’enfant, et dans la réponse immune allergique ainsi que la réponse aux traitements de l’asthme.
Selon Karine Adel-Patient (Commissariat à l’énergie atomique, Saclay), l’environnement de la mère pendant la grossesse – notamment les expositions à la fumée de cigarettes, aux microbes ou à certains composants alimentaires – va influencer la propension de la descendance à développer une allergie alimentaire, via des modifications épigénétiques. Parmi ces nutriments ingérés par la mère, les folates et les vitamines B1, B2, B12 peuvent augmenter la méthylation globale de l’ADN, impactant le phénotype de la réponse immunitaire à la naissance et favorisant l’allergie alimentaire.
Ces travaux démontrent donc l’existence de modifications épigénétiques précoces, induites in utero, pouvant conduire à une réponse sous-optimale des cellules T dès la naissance et induisant le développement d’une allergie alimentaire à un an.
Asthme : les nouvelles thérapies
Les nouveaux traitements ciblés de l’asthme allergique et ce qu’il faut en attendre ont été abordés lors du congrès par le Pr Antoine Magnan (CHU de Nantes). Dans la grande majorité des cas, l’asthme peut être contrôlé par des mesures simples et des traitements inhalés standard. Cependant, il persiste une portion de 5 à 10 % des patients asthmatiques qui restent mal contrôlés malgré un traitement inhalé bien conduit. Ces asthmes sévères relèvent de la corticothérapie avec ses effets secondaires ou de traitements ciblés innovants quasiment dépourvus d’effets secondaires.
Les anticorps monoclonaux contre les IgE ont d’abord été commercialisés. Plus récemment, des anticorps anti-cytokines ou anti-récepteurs de cytokine viennent de faire la preuve de leur efficacité. L’effet des anti-IgE (omalizumab) est bien établi chez l’asthmatique sévère avec une diminution de 50% du taux annuel d’exacerbations sévères. Certains résultats laissent penser que l’omalizumab pourrait avoir aussi une efficacité dans l’asthme non allergique.
Les anticorps anti-IL5 (mepolizumab, reslizumab) ou anti-récepteur de l’IL-5?(benralizumab) s’adressent à des asthmatiques dont l’expectoration est riche en éosinophiles et dont l’éosinophilie périphérique est au-dessus de 300, voire 150/mm3. Chez ces patients, le nombre d’exacerbations est divisé par trois au bout d’un an de traitement.
Quant aux anticorps anti-IL13 (lebrikizumab, tralokinumab) et aux anticorps dirigés contre le récepteur de l’IL-4 et de l’IL-13 (dupilumab), ils sont prometteurs en diminuant le nombre d’exacerbations sévères et/ou en permettant de diminuer l’usage de la corticothérapie orale. à condition de bien définir la bonne cible avant de traiter grâce à des biomarqueurs permettant de définir a priori les patients répondeurs. Ainsi, le lebrikizumab s’est révélé inactif dans une population de patients asthmatiques non ciblée mais actif dans le sous-groupe de patients chez qui la périostine sérique était élevée.
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