En France, en 2004, l’etanercept a été la première biothérapie à être indiquée dans le psoriasis en plaques modéré à sévère : chez l’adulte en cas d’échec, de contre-indication ou d’intolérance aux autres traitements systémiques, y compris le méthotrexate, la ciclosporine ou la puvathérapie. D’autres anticorps anti-TNFa ont ensuite été disponibles : l’infliximab et l’adalimumab. Puis l’ustekinumab, un anticorps anti-interleukines IL-12/IL-23. Depuis quelques mois, le secukinumab et l’ixekizumab, deux inhibiteurs d’IL-17, sont sur le marché, en attendant l’arrivée très prochaine du brodalumab, un anti-IL-17 récepteur et du guselkumab, un anti-IL-23.
Depuis leur utilisation, ces biothérapies ont apporté d’importants bénéfices, effaçant ou atténuant les lésions cutanées inflammatoires, et permettant à beaucoup de patients de retrouver une vie sociale normale (lire encadré). Mais à côté de ces avantages, certains questionnements sont apparus suite à l’usage de ces traitements.
Phénomène d’échappement
Parmi les sujets qui interrogent : la perte d’efficacité de certains anti-TNF. Ce problème est lié à la production d’anticorps anti-TNFa et concerne surtout l’infliximab et l’adalimumab, comme le rapporte une étude du Clinical Rheumatology (2013) qui s’est intéressée à des patients souffrant d’un rhumatisme inflammatoire. Pour contrer ce phénomène d’auto-immunisation, différentes stratégies thérapeutiques ont été élaborées. En France, un essai national thérapeutique est en cours dans le psoriasis afin d’évaluer l’intérêt d’une double prescription d’emblée méthotrexate + anti-TNFa.
Autre sujet qui fâche : le « psoriasis paradoxal ». Il a surtout été décrit chez des patients souffrant d’un rhumatisme inflammatoire ou de MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) et traités par anti-TNFa. Il se caractérise par des lésions de novo très inflammatoires des plis et du cuir chevelu. En plus d’analyser les événements inflammatoires survenant in situ, là aussi différentes solutions sont à l’étude pour le traiter au mieux (en changeant de classe de biothérapie, par exemple).
Grâce à l’expérience acquise sur l’usage des biothérapies, et au choix grandissant de ces traitements, les indications s’affineront en fonction des particularités de chaque patient psoriasique : selon ses antécédents médicaux, ses comorbidités, etc. mais aussi selon les modalités pratiques d’utilisation du médicament : deux injections par semaine, ou une fois tous les trois mois, selon le produit.
3 questions au Pr Marie Beylot-Barry*
« Des données rassurantes sur leur tolérance »
Quels bénéfices ont apporté les biothérapies dans la prise en charge du psoriasis modéré à sévère ?
Pr Marie Beylot-Barry Jusqu’à l’arrivée des biothérapies, les traitements systémiques, c’est-à-dire le méthotrexate, l’acitrétine ou la ciclosporine n’apportaient pas toujours les effets attendus, avec parfois une toxicité limitante. Les biothérapies ont changé la vie de nombreux patients ayant des lésions importantes qui les écartaient de toute vie sociale, avec des arrêts maladies ou des invalidités prolongées. Ces biothérapies permettent aussi de traiter des rhumatismes psoriasiques associés à un psoriasis, ou encore des atteintes cutanées sévères associées à des lésions unguéales.
La crainte d’une toxicité n’a-t-elle pas engendré une réticence à les utiliser ?
Pr M. B.-B. Des informations sur les événements indésirables, en particulier les cancers, nous proviennent des registres des patients sous biothérapies. Ces données sont rassurantes. Le bilan préthérapeutique est aujourd’hui bien standardisé, de même que les vaccinations recommandées. Et de façon générale, les effets secondaires potentiels des biothérapies sont bien connus et maîtrisés. à la différence du méthotrexate ou de la ciclosporine qui imposent une surveillance biologique réguilère du fait de leur possible toxicité hépatique ou rénale, les biothérapies nécessitent une surveillance essentiellement clinique, et non biologique.
Le prix de ces médicaments ne pose-t-il pas des problèmes de prise en charge ?
Pr M. B.-B. Le problème économique est une vraie question. Par exemple, un traitement par méthotrexate pour un an varie de 80 € (pour la forme orale) à 1 000 € (pour la forme injectable), contre 10 000 à 19 000 € pour la première année de traitement, pour les biothérapies.
* Service de dermatologie au CHU de Bordeaux, et secrétaire du Groupe
de recherche du Psoriasis à la Société française de dermatologie.
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