L’HTA blouse blanche (BB) est-elle vraiment si anodine ? Alors que, classiquement, cette forme d’hypertension est considérée comme bénigne et ne relevant d’aucun traitement, les données présentées par le Pr Bernard Vaisse (Marseille) lors des 34es Journées de l’HTA (Paris, 18-19 décembre 2014) suggèrent que les choses ne sont peut-être pas aussi simples.
Un pronostic plus péjoratif à long terme
Premier constat, si à moyen terme, le pronostic cardiovasculaire d’un patient présentant une HTA blouse blanche est très proche de celui d’un patient normotendu (risque relatif de complications CV de 1,18 à 4 ans selon l’étude Sheaf), à plus long terme la donne évolue. Dans une métanalyse publiée en 2005, Verdecchia et al. ont ainsi montré que le risque d’AVC des patients BB reste proche de celui des patients normotendus pendant les 5 premières années de suivi. Mais il s’élève ensuite peu à peu pour rejoindre celui des hypertendus classiques au bout de neuf ans.
Un autre travail publié en 2013 et portant sur les 7 295 patients de l’« IDACO data base » confirme la tendance et montre « que si au début tout va bien, au fil du temps, le pronostic en termes d’événements CV des hypertendus blouse blanche devient plus péjoratif que celui des sujets normotendus ». En revanche, « lorsque l’HTA BB est traitée – ce qui arrive souvent dans la vraie vie malgré des recommandations prônant la retenue – le pronostic devient identique. » D’où l’idée que certaines hypertensions pourraient être attribuées à tort au seul effet blouse blanche.
Effet blouse blanche partiel
Dans une étude italienne publiée en 2013, Mancia et al. distinguent d’ailleurs les HTA blouse blanche « vraies » ou « totales » (PA élevée au cabinet du médecin mais normale en automesure et en MAPA) des HTA blouse blanche dites « partielles » où la PA est normale en automesure mais élevée au cabinet et en MAPA (ou, à l’inverse, normale en MAPA mais élevée au cabinet et en automesure). Dans la cohorte italienne, ces HTA blouses blanches partielles correspondaient à plus de la moitié des HTA blouse blanche diagnostiqués (58 %) et présentaient à 10 ans, un pronostic CV intermédiaire entre celui d’une HTA blouse blanche « vraie » et celui d’une hypertension classique.
Une « HTA masquée » masquée ?
Plus qu’une simple « nervosité » liée à la à la présence du médecin, ces HTA blouse blanche partielles pourraient donc être plutôt le témoin d’une hyperréactivité vasculaire particulière qui s’exprimerait par une élévation réactionnelle de la PA intermittente, non seulement en consultation médicale mais aussi lors de certains événements de vie stressants comme la prise de tension en automesure pour certains, des circonstances professionnelles stressantes pour d’autres, etc.
Une petite étude tend à confirmer cette hypothèse. Dans ce travail mené chez des patients étiquetés HTA blouse blanche puis contrôlés par MAPA, les auteurs montrent qu’une prise de parole en public (ou speach test) augmente la PA tout autant que l’intervention du médecin. Avec au final, une sorte « d’HTA masquée » masquée passant inaperçue en automesure mais bien réelle et potentiellement délétère.
De façon plus simple, certains hypertendus blouse blanche deviennent aussi avec le temps et l’âge d’authentiques hypertendus. L’étude des 3 cités montre par exemple, que dans une population de sujets relativement âgés (plus de 64 ans), 13 % des hypertendus blouse blanche présentent une HTA persistante un an pus tard. « Lorsque l’on sait qu’en population générale 50 % des plus de 70 ans sont hypertendus, cette évolution parait somme toute assez logique », souligne le Pr Vaisse.
Un suivi au long cours indispensable
Dans ce contexte, « il est impératif de suivre régulièrement et au long cours les HTA blouse blanche », insiste le Pr Vaisse, avec, par exemple, un contrôle annuel comme le préconisaient les recommandations de la HAS de 2005.
Par ailleurs, cela plaide aussi pour une utilisation plus large de la MAPA en complément de l’automesure. Enfin ces données posent aussi la question du traitement de certains patients blouse blanche à risque. « Chez un patient qui accumule les facteurs de risque, on sera peut-être davantage enclin à traiter, admet le Pr Vaisse. Mais dans tous les cas il faut rester prudent et veiller à ne pas surtraiter, ni induire d’hypotension. »
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