L’immunothérapie est désormais la méthode thérapeutique avec laquelle il faudra compter en cancérologie. C’est ce qu’a montré le congrès américain de l’Asco 2015 à Chicago où les travaux utilisant cette nouvelle stratégie de traitement ont été largement représentés.
Le développement de l’immunothérapie en cancérologie est la conséquence d’un travail de fond sur la compréhension des réponses du système immunitaire contre la tumeur. On est ainsi arrivé à considérer que ces réponses se décomposent en deux bras : un bras actif, ou positif, dans lequel le système immunitaire avec ses anticorps et ses cellules, vise à supprimer un certain nombre de cellules modifiées par des mutations survenant dans le génome. Et un bras négatif, ou « frein », qui bloque les réponses immunitaires et permet de les réguler afin d’éviter l’apparition de maladies auto-immunes.
Pendant des années, les chercheurs se sont intéressés au bras positif et ont essayé de booster la réponse immune en identifiant les néo-antigènes produits par les cellules malignes et en fabriquant des « vaccins » contre ces néo-antigènes. Mais peu de résultats ont été obtenus en clinique.
En s’intéressant aux freins, les scientifiques se sont rendu compte qu’ils sont enclenchés au fur et à mesure que la tumeur se développe. Il faut donc les lever avant de pouvoir booster la réponse immune. Cela en agissant sur certaines protéines contrôlant la réponse immunitaire (« check points » ou « verrous » du système immunitaire) : notamment PD1, PD-L1 CTLA-4. On combine donc actuellement des thérapeutiques agissant sur les deux bras de la réponse immunitaire. Ces nouvelles combinaisons sont d’abord été essayées sur des malades atteints de cancers en phases tardives. Au vu de leurs résultats positifs, elles sont actuellement proposées dans des phases plus précoces.
Un complément des thérapies ciblées
Quelle est la place de l’immunothérapie par rapport aux thérapies ciblées qui, pour provoquer la mort tumorale, inhibent l’action de protéines anormales produites par les tumeurs ? La voie des thérapies ciblées reste importante mais on s’est rendu compte qu’elles entraînent bien souvent des résistances, avec un arrêt de l’efficacité du traitement. Une étude présentée à l’ASCO confirme d’ailleurs que l’immunothérapie a un effet durable alors que l’action des thérapies ciblées peut être plus courte, notamment du fait de l’apparition de résistances. D’où la stratégie adoptée de combiner plusieurs médicaments ciblés (deux, voire trois), ce qui diminue les résistances. On se dirige aussi vers des associations de thérapies ciblées et d’immunothérapies.
Mélanome et cancer du poumon
› Mélanome Le traitement du mélanome est le premier domaine dans lequel l’immunothérapie a été appliquée. Pour cette pathologie, on ne disposait jusqu’en 2011 que d’une chimiothérapie classique. En 2011, est apparue la première immunothérapie, l’ipilimumab, un anti-CTL4 puis les thérapies ciblées anti- BRAF ou anti-MEK, efficaces dans la moitié des mélanomes.
Deux nouvelles immunothérapies – le nivolumab et le pembrolizumab, des anti- PD1 – sont arrivées il y a peu. Elles sont aujourd’hui disponibles en France sous autorisation temporaire d’utilisation (ATU), en attendant la mise sur le marché. Ces produits sont validés par les autorités de tutelle en monothérapie. Des travaux de l’ASCO ont confirmé l’intérêt de leur utilisation en association (bi- ou trithérapie). Une étude préliminaire de phase II de l’association nivolumab et ipilimumab avait montré que cette combinaison donnait des résultats six fois supérieurs à ceux d’une monothérapie par ipilimumab. L’étude de phase III combinant nivolumab et ipilimumab montre, quant à elle, après un suivi de neuf mois, que le nivolumab seul a plus que doublé la période moyenne sans progression du mélanome, comparativement à l’ipilimumab à savoir 6,9 mois contre 2,9 mois. Et, quand le nivolumab est combiné à l’ipilimumab, le gain atteint 11,5 mois. De même, les réductions moyennes de la tumeur ont été de 52 % avec la combinaison versus 34 % avec le nivolumab seul. Le taux d’effets secondaires élevé a cependant été plus important avec la bithérapie qu’en monothérapie.
On attend également beaucoup des combinaisons immunothérapie et thérapie ciblée. Et notamment des anti-PD1 et des anti-PDL1 avec les anti-BRAF et les anti-MEK, sachant qu’avec l’association ciblée anti-BRAF- anti-MEK, une étude a déjà montré qu’on pouvait s’attendre à une réduction de 30 % des décès par mélanome.
› Cancer du poumon L’ immunothérapie s’est aussi avérée efficace, dans d’autres tumeurs, comme le cancer du poumon. Ainsi, lors d’un essai de phase 3, chez des malades atteints d’un cancer pulmonaire avancé non à petites cellules, traités avec l’anticorps nivolumab, 19,2 % ont vu leur tumeur se réduire contre 12,4 % dans le groupe témoin traité par chimiothérapie avec un gain de survie de plus de 30 %, voire le double, pour certains malades. En outre, des associations immunothérapie–thérapie ciblée vont être prochainement mis en œuvre pour traiter ce cancer.
D’autres tumeurs visées par l’immunothérapie
En dehors de la peau et du poumon, l’immunothérapie s’attaque à d’autres organes.
› Cancer du foie Ainsi, un petit essai clinique de phase 1 sur des patients atteints d’un cancer avancé du foie montre une réduction de plus de 30 % de la tumeur chez 42 % des participants traités avec l’anticorps nivolumab comparativement à 2 % dans le groupe témoin traité par chimiothérapie conventionnelle.
› Cancers de la tête et du cou Un autre essai avec l’anticorps pembrolizumab, un anti-PD-1, s’est avéré prometteur sur des cancers de la tête et du cou puisque 57 % des malades ont eu une réduction de leur tumeur. Chez certains patients, le cancer a même complètement disparu.
› Cancers de l’ovaire l’emploi du pembrolizumab, anti-PD1, a entrainé une réduction tumorale chez 23 % des patientes pré-traitées par chimiothérapie.
Les associations en thérapie ciblée
Plusieurs communications ont également montré l’intérêt des combinaisons de thérapies ciblées sur différents types de tumeurs.
› Cancers colo-rectaux métastatiques Une étude internationale de phase II a ainsi évalué l’impact d’une association sur des cancers colo-rectaux métastatiques porteurs de la mutation BRAF de mauvais pronostic. Or, dans ce cancer, les anti-BRAF ne marchent pas très bien. Le but de cette étude était d’évaluer l’association du trametinib (inhibiteur de BRAF) et du dabrafenib (inhibiteur de la mitogen activated proteine kinase) avec l’anti -EGFR panitumumab. Le taux de réponse, de 26 % a été jugé encourageant.
› Sarcomes Concernant les sarcomes, pour lesquels peu d’options thérapeutiques, à part la doxorubicine, sont disponibles, des études ont été réalisées en association avec d’autres molécules pour augmenter l’efficacité du traitement. Un article a ainsi étudié l’association de la doxorubicine avec l’olaratumab (anti platelet derived growth factor) . Résultat : la survie globale a été prolongée de 10 mois par rapport à la doxorubicine seule.
› Leucémies, lymphomes, myélomes... En hématologie, dans les leucémies, les lymphomes et les myélomes, beaucoup d’essais en phase II et III ont associé anticorps monoclonaux et médicaments ciblés en bi- ou tri- thérapie et, quelle que soit l’association, les résultats ont été meilleurs qu’en monothérapie, confirmant l’intérêt des traitements combinés.
› Cancer du sein Enfin, la recherche a aussi marqué des points contre le cancer du sein grâce à l’association de nouvelles thérapies ciblées avec l’hormonothérapie. Associé à l’anti-œstrogène fulvestrant, le palbociclib, un anti-CDK4 et CDK6, a, dans une étude de phase III, bloqué la progression de cancers du sein hormono-dépendants à un stade avancé, pendant 9,2 mois contre 3,8 mois pour l’hormonothérapie seule.
Des résultats encourageants, d’autant que, d’après le Pr François Sigaux (directeur de la recherche et de l’innovation à l’INCa), l’immunothérapie et la nouvelle approche qu’elle sous- tend, fait naître l’espoir dans un avenir plus ou moins lointain, de ne plus traiter les cancers, mais bien, en agissant sur le système immunitaire, de les guérir. Belle perspective, même si elle est tempérée par le coût très élevé de ces nouvelles thérapeutiques.
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