«La date n’est pas fixée, mais nous allons vers un déremboursement », a annoncé Agnès Buzyn ce lundi au sujet des médicaments anti-Alzheimer.
Dès 2016, la commission de la transparence de la HAS avait revu à la baisse l’intérêt de ces traitements, jugeant leur rapport bénéfice/risque insuffisant pour justifier d’une prise en charge. La ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine, n’avait pas donné suite, posant comme préalable à tout déremboursement « la mise en œuvre d’un parcours de soins élaboré par les scientifiques en lien avec les associations de patients ». Un an et demi plus tard, la HAS vient de remplir le contrat en publiant un guide qui détaille l’ensemble de ce parcours de soins. Le ministère de la Santé devrait donc acter très prochainement le déremboursement des spécialités à base de donépézil, rivastigmine, galantamine et mémantine. Cette décision risque d’avoir du mal à passer auprès des associations de patients, alors que France Alzheimer dénonce déjà une décision « infondée et dangereuse ».
Pour un diagnostic précoce
Cette mesure questionne aussi l’intérêt du diagnostic précoce prôné par le nouveau guide. Pour la HAS, l’enjeu est de maintenir au maximum l'autonomie et le bien-être de la personne malade tout en lui permettant d’anticiper et de participer aux décisions qui la concernent avant que les troubles cognitifs ne soient trop sévères.
« Il y a aujourd’hui un consensus pour poser le diagnostic avant le stade de démence avancée, reconnaît le Pr Laurent Letrilliart, car à ce stade, le patient ne peut plus apporter aucun consentement et ne peut plus anticiper ». Mais à l’inverse, « il ne faut pas faire de dépistage systématique ou d’exploration à un stade préclinique, comme cela peut se faire dans certains services hospitaliers », insiste ce généraliste enseignant qui, au nom du CNGE, a pointé à plusieurs reprises les questions éthiques soulevées par un diagnostic trop hâtif. Plutôt que de parler de diagnostic précoce, « mieux vaudrait parler de diagnostic “au moment opportun”, comme les Anglo-Saxons ».
Oublis d’évènements autobiographiques, difficulté d’orientation, modification du caractère, conduites à risque, troubles du sommeil, etc. : le guide liste les premiers signes d’un trouble neurocognitif qui doivent donner l’alerte. Selon la HAS, « Une plainte mnésique est inquiétante, et nécessite un avis spécialisé si elle est isolée mais persistante ou associée à d’autres manifestations ». Les troubles de la mémoire ne figurant pas toujours au premier plan, il faut aussi être attentif aux symptômes évocateurs d’autres troubles cognitifs, et à ce que rapporte l’entourage. En cas de doute, des tests cognitifs (MMSE, test de l’horloge, test des cinq mots) peuvent être proposés. Toutefois, ils ne suffisent pas à poser un diagnostic étiologique, qui doit être confirmé lors d’une consultation mémoire.
D'autres ressources, mais...
Si l’enjeu est de poser le diagnostic « au bon moment », la question est aussi de savoir « quoi faire ensuite », souligne le Dr Marie Hélène Certain (généraliste aux Mureaux et membre du Collège de la médecine générale). Le guide répond en partie, en détaillant pour chaque stade de la maladie les dispositifs à actionner et les mesures non pharmacologiques possibles (orthophonie, psychomotricien, etc.). « Contrairement aux médicaments, ces approches apportent un bénéfice aux patients sans effet indésirable », souligne le Pr Christian Thuillez, président de la commission de la transparence de la HAS. Reste que nombre d’entre elles ne sont pas remboursées en libéral. « Il y a aussi beaucoup de ressources pour lesquelles on a du mal à avoir une bonne visibilité ou à mobiliser en médecine générale », regrette le Pr Letrilliart.
“Idéal” sur le papier, ce nouveau parcours de soins pourrait vite être rattrapé par les réalités de terrain...
Les généralistes reprennent la main
Alors qu’à une époque, la maladie d’Alzheimer a pu apparaître comme le pré carré des consultations mémoire, le parcours de soins proposé par la HAS « montre clairement que les généralistes jouent un rôle important, et que tout repose sur une bonne articulation entre les soins primaires et les structures spécialisées », se félicite le Pr Letrilliart. Rédigé en collaboration avec le Collège de la médecine générale, le guide positionne le généraliste comme « un acteur majeur », que ce soit pour l’accès au diagnostic, aux soins et aides adaptés, la préventioS des complications, ou l’orientation au stade ultime de la maladie.
« Si ces actes peuvent être un peu chronophages, c'est aujourd'hui quelquechose que l'on peut valoriser, souligne le Pr Letrilliart, avec de nouvelles possibilités comme la majoration de 30 euros pour une consultation de diagnostic et juqu'à trois visites longues par an (à 70 euros avec la majoration de déplacement) pour le suivi des patients ».
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