Pénurie de psychotropes : face au « casse-tête », le secteur de la psychiatrie sonne l’urgence

Par
Publié le 28/04/2025
Article réservé aux abonnés

Depuis le 1er janvier, 14 tensions d’approvisionnement et ruptures de stock en médicaments psychotropes ont été publiées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). L’ensemble des syndicats et organisations du secteur pressent les autorités sanitaires de réagir urgemment face à cette situation « intenable ».

Crédit photo : Jeff Gentner/AP/SIPA

Rien ne va plus sur le terrain des médicaments en psychiatrie. Dans un communiqué commun diffusé le 23 avril, plus d’une trentaine de syndicats et associations représentant la psychiatrie publique, mais aussi des intersyndicales de PH ou des présidents de commissions médicales d’établissements (CME), alertent les autorités sanitaires sur la grave pénurie de psychotropes qui perdure. « Depuis le 1er janvier 2025, 14 tensions d’approvisionnement et ruptures de stock en médicaments psychotropes ont été publiées par l’ANSM », soulignent-ils, jugeant cette situation « intenable et qui s’accentue ».

De fait, depuis plusieurs mois, la psychiatrie se trouve tout particulièrement en difficulté avec des fragilités d’approvisionnement récurrentes allant jusqu’aux ruptures, et ce pour des molécules de plus en plus nombreuses. Il s’agit notamment des antipsychotiques (la quétiapine, l’olanzapine injectable à libération prolongée, la palipéridone injectable à libération prolongée à titre d’exemple), des thymorégulateurs avec le lithium ou encore des antidépresseurs (notamment la sertraline).

Déstabilisations cliniques

Les signataires du communiqué – parmi lesquels figurent entre autres le Dr Éric Branger, président de la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), la Dr Marie-José Cortès, présidente du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) ou encore le Pr Rémi Salomon, président de la conférence nationale des PCME de CHU – alertent les autorités sur les conséquences potentiellement gravissimes de ces pénuries pour les patients. Exemple cité : « des déstabilisations cliniques allant jusqu’à des hospitalisations », ce qui a été le cas d’une patiente « hospitalisée suite au remplacement de la quétiapine à libération prolongée par de la quétiapine à libération immédiate », méthode préconisée en tant qu’alternative par l’ANSM. Autre problématique : « Le lithium est le “gold standard” de la prise en charge de la maladie bipolaire, faisant l’unanimité de toutes les recommandations internationales, comment imaginer ne pas pouvoir en disposer ? », soulignent les représentants de la psychiatrie.

Et concernant la sertraline, il s’agit « d’un des antidépresseurs les plus utilisés » que ce soit dans l’épisode dépressif caractérisé ou dans les troubles anxieux. Il présente une « pharmacocinétique et un profil d’efficacité intéressants avec peu d’interactions médicamenteuses, comparativement aux autres inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, rendant sa rupture d’autant plus fâcheuse », ajoutent les médecins mobilisés.

Transparence sur les stocks

Surcharge pour le système de santé, errance médicale, consultations d’urgence liées aux rechutes : les conséquences sont nombreuses. Soulignant le « casse-tête » de la prise en charge aussi bien pour les patients et leurs aidants, les représentants de la psychiatrie réclament « une transparence accrue » sur l’état des stocks et des approvisionnements de produits, « les ruptures étant qualifiées de ruptures à durée indéterminée ».

De même, les causes de ces ruptures ou difficultés d’approvisionnement mériteraient davantage de clarté sur l’ensemble de la chaîne. Les professionnels de santé demandent ici « la mise à disposition d’un outil permettant d’identifier les stocks détenus par les laboratoires pharmaceutiques, les dépositaires et les grossistes-répartiteurs ainsi que les pharmacies hospitalières et les pharmacies d’officine ».

Et pour garantir un approvisionnement continu et stable de produits en tension, il est demandé la mise en place d'un dispositif incitant les fabricants à maintenir l'accès à ces médicaments et des dispositions réglementaires permettant de faciliter les flux de médicaments en pénurie, « notamment entre les pharmacies à usage intérieur et les pharmacies d'officine ».

Autre requête : solliciter « le plus en amont possible » les sociétés savantes médicales et pharmaceutiques pour qu'elles soutiennent les psychiatres dans leurs travaux de recherche d'alternatives (AMM, hors AMM, préparations).

La quétiapine bientôt de retour ?

Le 23 avril, l’ANSM a effectué un nouveau point de situation sur la pénurie de quétiapine. Si cet antipsychotique manque encore à l’appel dans de nombreux endroits, l’agence estime que « l’augmentation des approvisionnements en provenance d’autres laboratoires a permis une amélioration des stocks des grossistes-répartiteurs, qui devrait être perceptible en pharmacie (dans les officines) dans les prochains jours ».

Une amélioration est également perceptible à l’usine Pharmathen International, située en Grèce, qui avait dû procéder à un arrêt partiel de son activité durant l’été 2024 alors qu’elle fournit 60 % de la quétiapine distribuée en France. « La reprise d’activité dans des conditions permettant d’assurer la qualité des lots produits est progressive, se traduisant par des retours modestes des approvisionnements, à ce stade concentrés sur le 50 mg », indique l’ANSM.

Tensions persistantes

« En ce qui concerne Téralithe (sel de lithium), très peu disponible aujourd’hui en ville comme à l’hôpital, le laboratoire prévoit des livraisons en mai, et donc un retour à une situation normale en juin », annonce l’ANSM.

Pour les antidépresseurs comme la sertraline ou la venlafaxine en revanche, la patience est de mise. « Les tensions sont importantes en ville pour la sertraline 25 mg, la plus touchée, mais aussi pour la venlafaxine 50 mg et la sertraline 50 mg, relève l’agence. L’ANSM poursuit les échanges avec les laboratoires concernés pour identifier d’autres mesures de gestion et avec les représentants des prescripteurs pour déterminer des alternatives aux médicaments qui seraient indisponibles en pharmacie ».


Source : lequotidiendumedecin.fr