Les violences dénoncées dans le livre de Mélanie Dechalotte renvoient-elle à une vérité ? (confère son interview publiée le 9/11/2017 : http://bit.ly/2mwy5fN)
Il y a certes un livre noir mais aussi beaucoup de livres roses. En fait, je ne vois qu’une attention grandissante de la part des équipes (sages-femmes, infirmières, médecins) dont la féminisation est grande) à la personnalité de la future maman et à l’équilibre du couple. En vérité, c’est la mise en situation qui change les comportements. Combien de femmes contre l’IVG ont changé d’avis lorsqu’elles sont tombées enceintes. La dimension temporelle est ici essentielle. Prendre du temps permet de résoudre des conflits, des incompréhensions. Bien sûr, tout n’a pas été parfait lorsque j’ai été chef de service. Mais nous avons mis en place des groupes Balint, et nous avons recruté des psychologues, des psychanalystes afin de nous aider à dénouer des crises. Pour être honnête, je n’avais pas vu venir ce phénomène de remise en cause de la pilule et de dénonciation systématique de cas de maltraitances. C’est aussi une affaire de balancier.
Comment expliquer ce phénomène ?
En fait, la médecine fait peur. Le processus est assez récent. Comment le comprendre ? Notre société tend vers un modèle hédoniste où domine le slogan : « Il faut être bien tout de suite. » Pour être plus précis, c‘est la maladie que les Français redoutent. Ce qui les conduit à refouler tout ce qui leur évoque la souffrance, voire la mort. D’autre part, les professionnels de santé ont commis des erreurs. En pratique, il faut toujours peser les risques. Si l’on prend l’exemple de la fécondation in vitro, la procédure médicale n’est pas exempte de dangers. En a-t-on vraiment besoin ? Avant chaque décision, il est nécessaire de peser risque contre risque. Et d’éliminer toute influence, celles exercées par l’industrie pharmaceutique, les pouvoirs publics, les médias dans la prise de décision. L’exercice se révèle d’autant plus difficile qu’avec la multiplication des réseaux sociaux et des moyens de communication toute parole est réputée fiable, quel que soit l’émetteur et sa crédibilité. Le médecin est demandé seulement parce qu’il y a une perturbation de la nature. Il renvoie ainsi aux difficultés rencontrées.
Comment les professionnels doivent-ils répondre à cette situation ?
Il faut rester objectif et plus scientifique, c’est-à-dire faire (comme cela est fait dans de nombreuses maternités) des audits de satisfaction anonymes. Les résultats réguliers permettent d’être à l’écoute, et non de recueillir qu’un seul vécu des choses, ce qui biaise la réalité (s’il faut en tenir compte). Il faut réaliser un vrai travail d’enquête, pas un déroulé d’une seule couleur. Ce qui nécessite un journalisme d’investigation sûrement, et de conviction.
Ce processus est-il observé dans d'autres pays ?
Je n’ai pas été dans tous les pays. En tout état de cause, il n’a pas la même ampleur ailleurs. Mais rappelons quelques chiffres qui illustrent la situation dans les pays en voie de développement. 500 000 femmes meurent par an des suites de leur grossesse. Les besoins sont là immenses et non encore satisfaits. J’espère voir un jour la diffusion à grande échelle d’un vaccin contre le paludisme. En France, nous sommes dans une société protégée où le reste à charge est relativement limité. Regardons ce qui se passe à nos frontières. En attendant, en Afrique par exemple, il faut plus de médecine. Cela ne signifie pas qu’il y aurait eu en Occident trop de médecine. Simplement j’appelle à une médecine qui soit mieux distribuée. Entre ceux qui bénéficient de toutes les innovations et les autres implantés dans les déserts médicaux ou les quartiers sensibles, les inégalités sont criantes. Il y a bien un problème de répartition de l’offre de soins. D’autant que la médecine change avec l’essor des maladies chroniques. Au final, nous avons en France une belle médecine même si elle doit évoluer.
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