Si l’inflation croissante des prix des médicaments contre le cancer est une préoccupation pour le monde médical et les politiques, elle est aussi source d’inquiétude pour le grand public, même si les Français sous-estiment ces coûts. Tel est le paradoxe mis en évidence par la 5e édition de l'Observatoire Cancer Institut Curie – Viavoice, dont les résultats ont été présentés jeudi.
Selon cette enquête réalisée en ligne auprès d’un échantillon représentatif de 1 001 personnes âgées de 18 ans et plus, un peu moins de la moitié (42 %) des Français estiment que le système ne pourra pas garantir l’accès aux traitements innovants pour tous. En cause selon eux, le prix trop élevé des traitements innovants (pour 75 %) et l’inégalité d’accès aux centres et professionnels développant ces traitements (56 %), bien plus que le système de santé et sa gestion globale.
Des coûts sous estimés
De façon un peu paradoxale, les Français semblent pourtant largement sous-estimer le prix réel des traitements. L’édition 2017 de l’Observatoire Cancer Institut Curie-Viavoice révèle ainsi un fossé important entre leurs perceptions et la réalité des coûts.
Cet écart est déjà grand concernant les traitements « classiques ». Par exemple, 67 % des Français sous-estiment le prix d’une chimiothérapie pour cancer du sein évalué dans ¼ des cas à moins de 500 € alors que ce type de traitement coûte en réalité entre 5 200 € et 31 200 € selon la molécule utilisée.
Les 3/4 mésestiment également le prix d’une journée d’hospitalisation dans un service de cancérologie, plus de la moitié des personnes interrogées (55 %) évaluant ce prix à moins de 500 € par patient alors que la réalité se situe entre 1 600 € et 2 170 €. L’évaluation du juste prix est encore plus difficile pour les traitements innovants. Pour l’immunothérapie, seuls 3 % des Français donnent un prix en phase avec la réalité, à savoir de 80 000 € à 116 000 €.
Des résultats qui n’étonnent pas vraiment Isabelle Huet-Dusollier, ancienne malade et membre de Rose-Association. « Lorsque tout va bien ce sont des sujets et des questions qu’on met de côté et lorsque l’on est malade on ne se rend pas compte puisqu’avec l’ALD tout est prix en charge ». Certes, mais jusqu’à quand … Pour le moment, « on ne refuse jamais un médicament efficace à un patient » indique le Pr Thierry Philip, président de l’Institut Curie, mais « le prix des nouveaux médicaments continue d’augmenter, de sorte qu’arrivera forcément le moment où l’accès de tous les patients aux anti-cancéreux innovants ne sera plus possible ».
Agir avant qu'il ne soit trop tard
De fait, si aujourd’hui le coût du cancer pèse pour 16,5 milliards d’euros (dont 3,2 liés aux médicaments) dans les budgets de l’assurance maladie, ce qui, selon le Pr Philip, "n’est franchement pas énorme pour la première cause de mortalité », la hausse annoncée des prix des traitements s’avère préoccupante. « Si on regarde l’augmentation des coûts chaque année on se rend compte qu’en 2025 le seul traitement médical du cancer pourrait représenter 30 à 35 % de l’augmentation annuelle des coûts de l’assurance maladie. Là on se dit qu’on y arrivera plus et qu’il y a effectivement un véritable problème », estime le président de l'Institut Curie.
Face à cette situation, le Pr Philip appelle tous les acteurs (patients, médecins, industrie pharmaceutique et ministère) à se mettre autour de la table. « Il est encore temps d’éviter une situation qui posera un grave problème éthique».
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