Quelques semaines avant l’arrivée des premiers pollens, les allergies sont au cœur de l’actualité. Les conditions de prise en charge des allergènes préparés spécialement pour un individu (Apsi) – par voies sublinguale et sous-cutanée – sont en effet contestées par la HAS. En 2016, la direction de la Sécurité sociale avait saisi la Haute autorité « pour connaître sa position sur les conditions de remboursement des Apsi au regard de leur place dans la stratégie thérapeutique, des alternatives disponibles… et de l’intérêt pour la santé publique ». Les allergologues ont généralement recours aux Apsi chez les adultes et les enfants en cas de rhinite ou rhino-conjonctivite, ou d’asthme à forte composante allergique.
Un rapport à charge
Ces médicaments d’immunothérapie allergénique (ITA) peuvent être envisagés quand les autres solutions, comme l’éviction de l’allergène, des traitements de première intention (anti-histaminiques, corticoïdes locaux, traitement fond de l’asthme…) n’ont pas donné les résultats escomptés. Parmi les produits d’ITA, à côté d’Acarizax® (non remboursé), de Grazax® et d’Oralair® (remboursés à 15 %) composés d’extraits allergéniques déterminés, les Apsi (remboursés à 65 %) sont des médicaments spécialement préparés pour un patient, selon les indications de l’allergologue. Actuellement, deux laboratoires (ALK et Stallergènes) produisent ces médicaments sur mesure.
En décembre 2017, le Collège de la HAS a publié un projet de recommandation sur la prise en charge des Apsi, où l’efficacité de ces médicaments est jugée « faible », « mal démontrée ». Les experts critiquent des essais cliniques présentant « fréquemment de nombreux biais méthodologiques qui rendent difficiles leurs interprétations ». Autre grief : si la voie sublinguale est bien tolérée, la voie sous-cutanée présente plus d’effets indésirables, et d’« une gravité plus élevée ».
Avant de conclure de façon définitive sur le déremboursement total ou partiel des Apsi, la HAS a recueilli en janvier 2018 les avis « des acteurs concernés », dont les allergologues, très défavorables à cette recommandation (cf. interview). Décision finale dans quelques jours…
Trois questions au Pr Philippe Bonniaud*« La HAS a oublié des études importantes »
Si cet avis de la HAS est appliqué, quelles seront les conséquences sur le remboursement des Apsi ?
Pr Philippe Bonniaud Les formes sous-cutanées des Apsi ne seraient plus prises en charge par l’Assurance maladie. Et les formes sublinguales remboursées à 15 %, contre 65 % actuellement. Or, quand un médicament passe sous la barre d’un remboursement à 15 %, beaucoup de mutuelles ou assurances complémentaires ne le prennent plus en charge. Cela concernerait beaucoup de patients. On peut estimer que ce type de traitement est prescrit chez environ 50 % d’une patientèle d’allergologue. Rappelons que 30 % de la population souffre d’une rhinite allergique ou d’atopie.
Vous contestez certaines conclusions de la HAS...
Pr P. B. La Haute autorité n’a pas pris en compte les dernières méta-analyses de l’European Academy of Allergy and Clinical Immunology ; ni l’étude européenne GAP, portant sur plus de 800 enfants traités par immunothérapie allergénique et montrant un effet positif sur la rhinite allergique, mais aussi sur la prévention de l’asthme. Au final, le déremboursement des Apsi est très discutable, car il favoriserait les corticoïdes inhalés qui ne sont pas sans effet secondaire.
Quelles autres conséquences sont à craindre ?
Pr P. B. En cas de déremboursement total ou partiel de ces médicaments, l’industrie pharmaceutique risque fort de stopper la production non rentable des allergènes utilisés pour les prick tests. Ce sont en effet les mêmes laboratoires qui produisent les substances pour ces tests et les Apsi. Résultat : le diagnostic allergologique ne devra plus s’appuyer sur les prick tests, mais sur le dosage des IgE spécifiques, un examen plus cher, et plus invasif pour le patient. Enfin, une autre incohérence mérite d’être soulignée. Alors que la spécialité d’allergologue a été officialisée il y a quelques mois, dans le même temps on supprimerait un outil thérapeutique majeur pour la prise en charge des patients allergiques.
* Chef du service de pneumologie et soins intensifs respiratoires au CHU de Dijon, vice-président de la Société française d’allergologie.
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