[Pour son dernier numéro de l’année, Le Généraliste s’est intéressé aux défis de l’environnement auxquels sont confrontés les médecins. Du 23 au 31 décembre, nous publions les articles de ce numéro bilan.]
Il y a six ans, les pesticides ont pris une grande place dans sa vie. À l’époque, dans sa région limousine où la pomiculture est omniprésente, un important collectif de riverains voit le jour pour alerter sur les risques sanitaires de l’épandage des produits phytosanitaires. Même s’il n’habite pas une zone agricole, il s’intéresse à ce mouvement. « J’ai trouvé la question légitime et j’ai essayé de voir dans la littérature scientifique ce que l’on connaissait de la chose », commente-t-il. Devant le silence des pouvoirs publics sur la question des pesticides, le Dr Périnaud décide en septembre 2013 de mobiliser les médecins du coin en lançant un manifeste. Au 11 décembre, ce texte fondateur avait été signé par 1 816 médecins. De cette prise de position est née l’association Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP). Ces « médecins de terrain » ont un objectif : alerter les pouvoirs publics sur l’accumulation des « preuves de la responsabilité des substances chimiques très largement répandues dans notre environnement » et « l’augmentation des maladies chroniques de leurs patients ». Sans pointer du doigt les seuls pesticides, les praticiens signataires réclament, expertise de l’Inserm à l’appui, des politiques publiques.
Faire avancer la recherche
Depuis, l’AMLP a grandi et pris une envergure nationale. L’engagement du Dr Périnaud, lui, n’a pas faibli. Avec l’association, il travaille notamment pour la reconnaissance de certaines maladies professionnelles. « Dernièrement, nous avons aidé un patient à gagner son procès pour la reconnaissance d’un cancer du rein, alors que pour l’instant la maladie n’est pas inscrite dans le tableau des maladies professionnelles », explique le généraliste.
L’AMLP a aussi contribué à faire démarrer deux études en région viticole, proposées par Santé publique France et approuvées par le ministère de la Santé : la première, épidémiologique, sur la sur-incidence de cancers pédiatriques et la deuxième de bio-surveillance sur la surexposition à certaines molécules. L’AMLP a également mené des actions sur l’interdiction de l’épandage à proximité des habitations. L’association a aussi organisé une formation avec MG Form sur les effets des perturbateurs endocriniens pour les femmes enceintes et constitué des bibliographies ressources pour les médecins.
Le généraliste limougeaud ne se considère pas comme un lanceur d’alerte. « Le rôle du médecin en matière de maladie professionnelle est de déclarer son doute. Il ne s’agit pas de dire que le lien est prouvé mais de reconnaître le droit au patient de demander la reconnaissance de sa maladie professionnelle », explique-t-il. Le Dr Périnaud met également l’accent sur la nécessité, pour le généraliste, de faire un travail de prévention au cabinet. Dans sa salle d’examen, cela passe par exemple par une affiche pour alerter les personnes désirant un enfant et les femmes enceintes sur les risques d’une exposition aux perturbateurs endocriniens. Elle permet d’entamer la discussion. « Cela fait partie des actions menées au quotidien », au même titre que la prévention sur l’alcool ou le tabac, explique le Dr Périnaud.
L’écologie, une seconde nature
Pour le généraliste, être sensible aux questions environnementales fait partie du “job” de médecin. Il reconnaît toutefois que son engagement prend une autre dimension avec l’association. « Le boulot d’un médecin est de rester sur les bases scientifiques, celle d’une association comme la nôtre est d’accrocher ces connaissances scientifiques à des décisions politiques. Et ce n’est pas le job d’un médecin à titre individuel », souligne le Dr Périnaud. Et parce que la prévention individuelle en consultation a ses limites, l’association se charge d’interpeller les pouvoirs publics « parce qu’il y a des sujets sur lesquels à notre niveau nous ne pouvons pas faire de prévention. Lorsque vous mettez votre gamin à la cantine, vous ne décidez pas dans quel matériel la nourriture est réchauffée par exemple ».
Une implication « passionnante », d’après le généraliste qui avoue une inclinaison particulière pour ces sujets. Avant l’AMLP, Pierre-Michel Périnaud a eu d’autres engagements associatifs en lien avec l’environnement. « J’ai une sensibilité écologique forte, je considère, à la fois comme citoyen et comme professionnel, que notre santé dépend de la qualité de l’environnement au sens large, pas juste le bout de mon jardin. »
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