Un groupe consultatif d'experts du gouvernement fédéral américain vient d'assouplir leur position sur le dépistage du cancer de la prostate. L’USPSTF (U.S. Preventive Services Task Force), haute autorité dans le domaine de la prévention est revenue sur son opposition au dosage des PSA dans ce cadre pour les hommes âgés entre 55 à 69 ans. Dans une lettre publiée récemment dans le JAMA, ces spécialistes énoncent leurs nouvelles recommandations qu’ils décrivent comme un « premier jet » et expliquent leur revirement.
C’est aux hommes de décider par eux-mêmes
Au vu des derniers éléments apportés par divers travaux scientifiques, l’USPSTF « préconise désormais une prise de décision individuelle après discussion avec le praticien » car ainsi « chaque homme à l’opportunité de comprendre les bénéfices et les risques de ce dépistage et de décider selon ses valeurs et préférence ». L’autorité reconnait que le dépistage offre « un petit bénéfice potentiel de réduire le risque de mourir des suites d’un cancer », et ce, même si, beaucoup d’hommes subiront des effets secondaires du dépistage, notamment des résultats faussement positifs, des surdiagnostics et des surtraitements. Toutefois, ils insistent sur le fait que les bénéfices surpassent les risques de peu et ils suggèrent qu’un arbre décisionnel soit mis à la disposition des patients pour qu’ils comprennent bien quels seront les avantages et les inconvénients pour eux.
Par ailleurs, les experts insistent sur l’absence de données sur les populations d’hommes à risque comme les Afro-Américains ou les individus ayant des antécédents familiaux. Ce manque d’informations est tel qu’il leur est impossible d’émettre des recommandations spécifiques pour ces deux groupes. Ces deux populations sont en effet largement sous représentés dans les essais cliniques. Par exemple, seul 4 % des participants de la plus large étude américaine s’avéraient afro-américains alors qu’ils représentent 12,6 % de la population générale du pays et que l’incidence de ce type de cancer pour ces personnes est le double de celle estimée pour les populations de la population générale.
D’autre part, l'USPSTF continue à se prononcer contre le test PSA pour les hommes de 70 ans et plus. Selon les scientifiques, toutes les preuves disponibles démontrent que, dans ce groupe d’âge, la pathologie évolue lentement avec une survie à 10 ans assez élevée. Sachant que le taux de surdiagnostic est plus important à cet âge, la balance bénéfice/risque penche en la défaveur du dépistage.
Qu’est-ce qui a changé en 2017 ?
Ces recommandations marquent une évolution de la part des experts par rapport à la position qu’ils avaient affichés en 2012 lors de la publication de leurs précédentes préconisations sur le sujet. À l’époque, l’autorité avait conclu que les bénéfices du dépistage ne faisaient pas le poids par rapport aux risques potentiels de complications suite aux traitements, celles-ci pouvant conduire à des incontinences urinaires ou des dysfonctionnements sexuels.
Ce revirement s’explique par la publication de travaux complémentaires appuyant les bienfaits du dosage des PSA. Le suivi sur 13 ans du plus large essai clinique aux États-Unis montre une réduction de la mortalité plus importante que 1 pour 1000 comme estimé précédemment.
De même, les experts ont également remarqué que les effets du surtraitement sont moindres grâce à l’arrivée d’une nouvelle approche : la surveillance active. Celle-ci a été relativement bien acceptée dans le pays. En effet, si 10 % des patients avec un cancer à risque faible étaient suivis de cette manière entre 2005 et 2009, ils étaient 40 % dans la période 2010-2013.
Aboutir à des recommandations raisonnables face à un test controversé
Les experts rappellent que ces recommandations sont pour l’instant soumises à discussions jusqu’au 8 mai avant d’être officialisés et que d’ici là les commentaires sont bienvenus et seront potentiellement pris en compte dans la version définitive des préconisations.
Cet assouplissement, s'il était acté, rapprocherait les experts américains de leurs homologues français qui recommandent une "décision médicale partagée" sur le dosage des PSA, sujet à controverse depuis de nombreuses années. En France, pas plus tard que l’an dernier, la CNAM et le Collège de médecine générale avaient sonné l’alerte suite au trop grand nombre de prescription de test de PSA. La HAS s’était prononcée sur l’absence de preuves suffisantes pour justifier une stratégie de dépistage par dosage du PSA. En outre, l’INCa avait publié sur son site des brochures pour « faciliter une décision éclairée et partagée » à l’intention des patients comme des praticiens en s’appuyant sur les avis de la Haute Autorité.
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