Les opiacés sont largement prescrits pour la douleur y compris chez les sujets VIH+ mais de plus en plus de données suggèrent qu'ils augmentent le risque infectieux, en particulier celui de pneumopathie communautaire. En effet ils inhibent la toux, la sécrétion de mucus et la réponse neutrophile alvéolaire au streptocoque sans compter que certains d'entre eux, comme la morphine - mais pas l'oxycodone - semblent exercer une activité immunosuppressive. Pour autant leur impact clinique reste assez peu étudié. D'où l'idée de cette vaste étude cas contrôle réalisée dans la cohorte américaine des vétérans âgés (VACS) [1]. Ses résultats sont sans appel. Les opiacés en général majorent le risque de pneumopathie. Ce risque est encore majoré pour ceux à propriété immunosuppressive et/ou prescrits à forte dose. Ce qui plaide en pratique clinique pour privilégier ceux non connus pour être immunosuppresseurs et de modérer les doses.
Des opiacés plus ou moins immunosuppresseurs
Dans ce travail les auteurs ont classé les opiacés selon leur degré d'immunosuppression connue. Morphine, codéine, dihydrocodéine et fentanyl sont considérés comme ayant une activité immunosuppressive avérée. A contrario tramadol, hydrocodone, oxycodone, et hydromorphone sont considérés comme non immunosuppresseurs. S'y ajoutent ceux dont l'activité immunosuppressive est inconnue, à savoir méthadone, lévorphanol, mépéridine, pentazocine, propoxyphène et tapentadol.
Une étude cas contrôle à partir de la cohorte des vétérans
Les données utilisées sont issues d'une cohorte des vétérans (VACS/aging cohort) de 2000 à 2012. Les sujets sous immunosuppresseur, corticoïde autre qu'inhalé, chimiothérapie ou ayant un score de morbimortalité élevé (VACS index supérieur à 100) ont été exclus.
Au total plus de 5 000 sujets hospitalisés durant ce délai pour pneumopathie ont été sélectionnés et appariés chacun à 5 contrôles sur leur âge, leur race, la durée d'observation et leur statut VIH. Pour 98 % ce sont des hommes de 55 ans d'âge moyen.
Pour l'analyse, la durée de prescription dans les 12 derniers mois avant la pneumopathie (pas de prescription/prescription passée/prescription actuelle), le dosage en équivalent journalier en morphine (faible : mois de 20 mg/j, moyen : 20-50 mg/j, élevé : plus de 50 mg/j) et leur statut immunosuppresseur (oui versus non ou inconnu) ainsi que le statut VIH ont été pris en compte. T
Tous les opioïdes utilisés en antalgique prescrits par voie orale ou transdermique ont été retenus mais pas ceux utilisés en sevrage.
De nombreuses covariables pouvant interférer dans l'analyse ont été prises en compte dont l'âge, le sexe, la race, le statut médico-économique mais aussi le tabagisme et les vaccinations antigrippale et antipneumococcique.
Un effet dose dépendant chez les sujets sous traitement
Globalement, comparativement au non-usage d'opiacés dans l'année, la prescription est associée est associée à un surrisque significatif de pneumopathie. Le surrisque le plus important est contemporain de la prescription avec un RR de 1,8 (1,5-2,1) à 5,1 (4-6,5) versus un RR de 1,5 (1,3-1,7) à 1,8 (1,6-2) chez ceux ayant seulement des prescriptions passées. Toutefois même après ajustements le surrisque associé à des antécédents de prescription persiste que ce soit pour les opiacés connus pour être immunosuppresseurs ou les autres. Par ailleurs à tous les niveaux de l'analyse les données tendent à confirmer que les opiacés dits immunosuppresseurs ont un impact plus important.
Enfin chez les sujets sous opiacés lors de l'évènement on peut mettre en évidence un effet dose dépendant. Le surrisque de pneumopathie communautaire est en effet de :
• Sous doses moyennes d'opioïdes
- 1,3 (1,1-1,6) pour les opiacés à propriété immunosuppressive nulle ou inconnue ;
- 2,1 (1,5-2,9) pour les opiacés immunosuppresseurs.
• Sous doses fortes d'opioïdes
- 2,1 (1,5-2,9) pour les opiacés à propriété immunosuppressive nulle ou inconnue ;
- 3,2 (2,4-4,1) pour les opiacés immunosuppresseurs.
Quant au statut VIH, il tend à majorer le surrisque mais de manière non significative.
(1) Edelman EJ et al. Association of prescribed opioids with increase risk of community acquired pneumonia among patients with and without HIV. JAMA Intern Med 2019;179:297-304
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation