Lymphomes non hodgkinien (LNH), myélome multiple, maladie de Parkinson, mais aussi pathologies respiratoires ou thyroïdiennes, sarcomes des tissus mous et troubles du développement... La liste des pathologies pour lesquelles des liens avec une exposition aux pesticides sont suspectés s’allonge. C’est ce qui ressort d’une expertise collective de l’Inserm dont les conclusions ont été présentées hier lors d’un colloque.
Un premier travail similaire avait déjà été publié en 2013. Cependant, les effets sanitaires de ces produits suscitant de plus en plus d’inquiétudes et de recherches, l’Inserm a à nouveau été saisi en 2018 par plusieurs ministères afin d’actualiser sa première synthèse. Ainsi une quinzaine d’experts ont étudié pendant environ 3 ans plus de 5 300 publications sur l'impact potentiel des pesticides sur la santé parues entre 2013 et 2020.
De nouveaux risques identifiés chez les professionnels
Résultat : chez l’adulte exposé en milieu professionnel, l’expertise conclut à une présomption forte de lien entre exposition à ces produits et surrisque de développement de 6 pathologies. Parmi celles-ci se trouvent d’abord le LNH, le myélome multiple, le cancer de la prostate et la maladie de Parkinson, déjà clairement identifiées il y a 8 ans. Mais deux autres types pathologies s’ajoutent à cette liste, à savoir les troubles cognitifs, pour lesquels seule une présomption moyenne de lien avec les pesticides avait été dégagée en 2013, ainsi que des maladies pulmonaires telles que la BPCO ou les bronchites chroniques, qui n’avaient pas encore été étudiées par les experts.
Pour certaines de ces pathologies, les experts sont parvenus à mettre en cause plus spécifiquement certains pesticides ou familles de pesticides. « Pour les LNH, il a été possible de préciser des liens (présomption forte) avec des substances actives (malathion, diazinon, lindane, DDT) et avec une famille chimique de pesticides (organophosphorés), et pour la maladie de Parkinson et les troubles cognitifs avec les insecticides organochlorés et les organophosphorés, respectivement », résument les auteurs.
En outre, les experts en sont aussi venus à qualifier de moyenne la présomption d'association entre exposition - toujours professionnelle - aux pesticides et surrisque de développement de plusieurs. Outre l'Alzheimer et certaines leucémies, déjà listées en 2008,d’autres pathologies pour lesquelles une présomption seulement faible avait précédemment été dégagée sont désormais concernées, comme les troubles anxio-dépressifs ou les tumeurs du système nerveux central. De même, les cancers de la vessie et du rein, les sarcomes des tissus mous, des pathologies thyroïdiennes et l’asthme, non cités dans l’expertise de 2013, seraient plus susceptibles (présomption moyenne) de survenir chez les professionnels en contact avec des pesticides.
Des troubles du développement neuropsychologique et moteur de l’enfant
Les experts ne se sont pas intéressés qu’aux professionnels directement exposés aux pesticides.
En effet, ils se sont également penchés pour la première fois sur des données concernant les populations riveraines des zones agricoles, « qui peuvent être concernées par la dérive des produits épandus sur les cultures », expliquent les auteurs. Et ce même si pour le moment, des risques pour la santé de telles expositions sont encore loin de pouvoir être confirmés (présomption faible).
Mais surtout, les auteurs ont aussi analysé les risques sanitaires pédiatriques d’exposition aux pesticides pendant l’enfance ou avant la naissance (exposition du père en période pré-conceptionnelle ou de la mère pendant la grossesse). Conclusion : les présomptions fortes de lien entre exposition à ces produits et surrisque de leucémie ou de tumeurs du système nerveux central déjà formulées en 2013 sont confirmées, et ce non seulement dans les familles d’agriculteurs, mais aussi – fait nouveau – chez celles faisant un usage domestique de pesticides. De plus, de « nouvelles données [sur] les liens entre l’exposition professionnelle ou environnementale des mères pendant la grossesse et les troubles du développement neuropsychologique et moteur de l’enfant » ont également été considérées, permettant de dégager pour la première fois, avec un niveau de présomption fort, la possible implication dans la perturbation du développement de l’enfant, de certains groupes chimiques tels que les insecticides organophosphorés et les pyréthrinoïdes – « dont l’usage a augmenté en substitution aux insecticides organophosphorés », s’alarment les auteurs.
Trop peu d'études en France
Enfin, dans un contexte marqué par plusieurs controverses, les auteurs ont plus spécifiquement examiné ou réexaminé les risques associés à trois pesticides particulièrement décriés.
À commencer par le glyphosate, qui peut désormais être associé à un surrisque de LNH avec un niveau de présomption moyen (vs faible en 2013).
Autre pesticide considéré : le chlordécone, autrefois utilisé aux Antilles, encore responsable aujourd’hui d’une pollution importante des denrées alimentaires locales, et une nouvelle fois mis en cause avec un niveau de présomption fort quant à un surrisque de cancer de la prostate.
Enfin, les auteurs ont aussi tenté d’analyser les risques liés aux fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase, mais « il n’existe à ce jour pratiquement aucune donnée épidémiologique portant sur les effets possibles de ces substances sur la santé des agriculteurs ou de la population générale ». Un manque qui, comme le souligne l’épidémiologiste Isabelle Baldi, pourrait s’expliquer par le faible nombre d’études conduites en France à ce sujet. Or, ces fongicides apparaissent plus utilisés dans l’Hexagone que dans les pays anglo-saxons ou du nord de l’Europe, premiers pourvoyeurs d’études épidémiologiques sur les impacts sanitaires des pesticides, rappelle-t-elle.
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