« Si pour les benzodiazépines, le syndrome de sevrage est bien connu des médecins, en revanche il l’est beaucoup moins pour les antidépresseurs. Pour ces médicaments, on devrait plus exactement parler de syndrome d’arrêt, car on n’observe pas de dépendance psychique », explique le Dr François Montastruc du centre de pharmacovigilance et pharmaco-épidémiologie au CHU de Toulouse et qui est co-auteur d’une étude sur ce sujet publiée fin octobre dans Journal of Affective Disorders.
Ce travail* avait pour objectif de savoir quels types d’antidépresseur privilégier pour éviter ou atténuer ce syndrome qui se manifeste par des épisodes de tachycardies, maux de ventre, insomnies, irritabilité… à l’arrêt du médicament. Décrit dans la littérature scientifique depuis une dizaine d’années, cela concernerait environ un patient sur deux stoppant son médicament.
Une étude comparant 15 antidépreseurs particulièrement prescrits
Cette étude portant sur 15 antidépresseurs les plus couramment prescrits, s’est appuyée sur la base de données VigiBase de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui collecte des données de pharmacovigilance provenant de plus de 130 pays (en 2021, VigiBase a réuni au total plus de 26 millions signalements d’effets indésirables). Dans ce travail, ont été en particulier analysés deux types d’antidépresseurs : ceux à demi-vie courte (< 24 heures) : comme la paroxetine, la fluvoxamine, la duloxetine… ; et ceux à une demi-vie longue (> 24 heures), comme le citalopram, l’escitalopram, la sertraline… Dans VigiBase, sur 338 498 signalements portant sur les antidépresseurs, plus de 15 000 cas concernaient ce syndrome.
La paroxétine la plus susceptible de provoquer un syndrome d'arrêt
Les principaux résultats de ce travail ont monté que le risque de syndrome d’arrêt était nettement plus important chez les patients traités par les antidépresseurs à demi-vie courte. « Ainsi, la paroxétine, l’antidépresseur le plus prescrit en France, serait le plus susceptible de provoquer ce type de problème », souligne Dr Montastruc. Les médicaments identifiés avec un Odds Ratio élevé étaient tout d’abord la paroxetine (ROR = 3,06 ; 95% CI 2,95-3,17), puis la venlafaxine (ROR= 2,11) et la duloxetine (ROR = 2,01). Ce travail suggère également que les femmes seraient un peu plus à risque de présenter ces troubles à l’arrêt du médicament.
« Ce syndrome d’arrêt est loin d’être négligeable et le risque pour le médecin est de l’associer – à tort - à une rechute de l’épisode dépressif », souligne François Montastruc qui préconise qu’au moment de prescrire un anti-dépresseur, le praticien devrait informer le patient sur la déprescription, sur l’éventualité d’un syndrome d’arrêt et envisager un arrêt progressif du médicament (qui peut se faire sur plusieurs semaines à plusieurs mois pour la paroxetine). Dans les Résumés des caractéristiques du produit (RCP) de ces médicaments, il n’est pas expliqué comment les arrêter, car cela n’a jamais été vraiment évalué, même si aujourd’hui des travaux commencent à s’y intéresser.
Comme le souligne le Jean-Baptiste Quilichini (coauteur de la publication), ce sujet du syndrome d’arrêt est d’autant plus important que la consommation des antidépresseurs demeure très élevée en France, « avec durant la crise sanitaire Covid, une augmentation des délivrances de 2 millions entre mars 2020 et avril 2021 ».
*Travail pour lequel les auteurs n'avaient aucun lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique.
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