La voix des scientifiques et médecins rejoint celle des citoyens pour demander au Conseil constitutionnel de censurer la loi Duplomb « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Tandis que la pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale vient de franchir les deux millions de signatures, plusieurs sociétés savantes, rejointes par des associations de patients, dénoncent dans une tribune publiée ce 29 juillet dans Le Monde « une loi dangereuse pour la santé de nos concitoyens ». « Le Conseil constitutionnel doit constater l’incompatibilité de la loi Duplomb avec le principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement » et ainsi « protéger les générations futures d'un texte qui compromet, sans l'ombre d'un doute raisonnable, la santé des jeunes, des enfants et de ceux à naître » affirment les signataires. Parmi eux : Fleur Breteau, fondatrice du collectif Cancer Colère, la Pr Agnès Linglart, présidente de la Société française de pédiatrie, le Pr Gérard Socié, président du conseil scientifique de l’Institut national du cancer, Olivier Coutard, président du conseil scientifique du CNRS, ou encore Magali Leo, coordinatrice d'Action Patients.
En parallèle, une trentaine de sociétés savantes (également signataires de la tribune du Monde) soumettent une contribution extérieure aux Sages, qui démontre en quoi la loi Duplomb est un « recul significatif en matière de protection de la santé publique », en plus de l’être à l’égard de l’environnement. « Les auteurs ont choisi de centrer les présentes observations sur leur domaine d’expertise, à savoir les implications sanitaires directes de la loi », lit-on dans ce document signé notamment par les sociétés françaises d’hématologie, de pédiatrie, du cancer, d’endocrinologie, de santé publique, de pathologie, de réanimation de langue française, de médecine interne, de néphrologie, dialyse et transplantation, ou encore les Fondations Arc, Vaincre Alzheimer et celle pour la recherche médicale.
Effets reprotoxiques, neurodéveloppementaux et de perturbation endocrinienne
« Dans le pays des Lumières, les politiques publiques doivent se fonder sur des faits établis par la connaissance médicale et scientifique », expliquent les experts dans Le Monde, pour justifier leur contribution au Conseil constitutionnel.
Celle-ci revient en détail sur les risques que fait peser l’acétamipride, insecticide de la famille des néonicotinoïdes, que la loi permet de réintroduire. « Les expertises menées par l’Inserm en 2013 et 2021 concluent à une forte présomption de lien entre l’exposition aux pesticides et plusieurs types de cancers, et relèvent des liens avec des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson, des affections pulmonaires, ainsi que des troubles du développement neurologique chez les enfants », lit-on.
Pour ce qui est de l’acétamipride, les auteurs rappellent que ses effets reprotoxiques ont été démontrés in vitro, chez les rongeurs, mais aussi chez l’humain chez qui il pourrait affecter la mobilité des spermatozoïdes. Sa neurotoxicité a été mise en évidence sur les neurones dopaminergiques. Il s’est montré capable de traverser la barrière placentaire et hématoencéphalique et de se retrouver dans le liquide céphalorachidien. Des études de cohorte (en Californie et en Chine) rapportent une association entre exposition aux néonicotinoïdes pendant la grossesse et diminution des capacités intellectuelles des enfants à naître. Par ailleurs, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) reconnaît dès 2013 que la neurotoxicité de l’acétamipride n’a pas été correctement évaluée, pas plus que ses effets sur le système endocrinien, alors que des données épidémiologiques suggèrent une association avec l’obésité de l’enfant ou des perturbations des hormones thyroïdiennes.
Sur un ton plus politique, les signataires de la tribune du Monde déplorent que la loi ait été élaborée « en ignorant ce que les professionnels de la santé et les scientifiques connaissent des effets de ces produits sur la santé humaine ». « Parmi les 53 personnalités auditionnées au Sénat, on ne trouve aucun médecin, toxicologue, épidémiologiste, représentant de l'Inserm, du CNRS, du ministère de la Santé ou du Travail ni de la Caisse nationale d'assurance-maladie ou de la Mutualité sociale agricole », égrène la tribune.
La loi Duplomb « emporte une atteinte grave à la santé », concluent les sociétés savantes dans leur argumentaire juridique, et est en cela inconstitutionnelle, puisque le préambule de la Constitution de 1946 dispose que la « Nation garantit à tous la protection de la santé ». Elle est aussi inconstitutionnelle, selon eux, en ce qu’elle bafoue le principe de précaution, d’autant qu’elle augmente les risques de conflits d’intérêts entre les activités de vente des pesticides et de conseil sur leur utilisation.
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