L’élimination des hépatites chroniques virales est-elle possible en France à l’horizon 2030 comme fixé par l’OMS ? C’est la question que pose Santé Publique France un peu plus de deux mois après l’attribution du prix Nobel de médecine aux découvreurs du virus de l’hépatite C.
Dans son bulletin épidémiologique du 24 novembre, l’agence relaie en effet les résultats de cinq études qui témoignent tantôt d’avancées déjà réalisées, tantôt de progrès encore à faire dans le pays. Un bilan mitigé qui se ressent dans les chiffres avancés par les auteurs de plusieurs de ces recherches : alors qu’en moins de 20 ans, l’incidence du VHB a été divisée par 10 et celle du VHC par 20, près de 25 % des carcinomes hépatocellulaires restent liés aux hépatites chroniques virales, pourtant évitables par la vaccination ou guérissables par les nouveaux traitements à action directe.
Des progrès thérapeutiques indéniables
Les antiviraux à action directe (AAD) constituent en effet le principal progrès réalisé ces dernières années dans la lutte contre les hépatites virales, et plus spécifiquement contre l’hépatite C. En France, une investigation menée auprès de la cohorte prospective Hepather a d'ailleurs confirmé l’efficacité de ces médicaments pour diminuer la mortalité à court et moyen terme, réduire les carcinomes hépatocellulaires et éviter les cirrhoses décompensées.
Mais si les auteurs du bulletin jugent ces avancées thérapeutiques suffisamment « spectaculaires » pour permettre « d’envisager l’élimination du VHC à l’horizon 2030 », des efforts importants mis en place pour faciliter l’accès à ces nouveaux traitements sont aussi à saluer. « Deux mesures indispensables au traitement ont déjà été prises par le ministère de la Santé : l’accès au traitement pour tous les patients ayant une hépatite chronique C en 2017, et la prescription des AAD qui a été élargie à tous les praticiens en 2019 », rappelle en effet le BEH. Dans le même esprit, l’Association française d’étude du foie (AFEF) avait elle aussi, en 2018, élaboré un parcours de soins simplifié accessible aux patients sans fibrose sévère ni comorbidité ainsi qu’à tous les médecins.
Toutefois, bien que ces nouvelles mesures aient permis de traiter plus de 70 000 patients entre 2014 et 2018, les innovations organisationnelles réalisées dans le champ de la prise en charge restent toutefois insuffisantes. « D’après [des] études récentes, il reste environ 90 000 personnes porteuses du VHC à dépister et à traiter en 2020 », admettent en effet les auteurs du BEH.
Des progrès à faire en matière de prévention
C’est que l’élimination des maladies infectieuses dépend aussi de la mise en œuvre d’un dépistage approprié et surtout des actions de prévention proposées à la population. Or dans le domaine de la prévention, les performances de la France semblent à améliorer.
Certes, la sécurité transfusionnelle est désormais « optimale », les risques résiduels de contamination par des produits sanguins ayant été évalués, sur la période 2016-2018, à 1/2 850 000 dons pour le VHB et 1/34 000 000 pour le VHC. Autrement dit, depuis les années 1992-1994, ces risques ont été divisés par 30 pour le VHB et par 170 pour le VHC, avance un travail relatif à la surveillance des donneurs de sang.
Cependant, la prévention de la transmission materno-fœtale de l’hépatite B est encore insuffisante. Le recours à la sérovaccination des enfants exposés serait en particulier « très insuffisant », seuls deux tiers d’entre eux étant correctement sérovaccinés d'après une enquête nationale conduite en 2016.
Vers un dépistage "universel" et "multipartenarial" ?
À noter que concernant le dépistage des hépatites virales – que la HAS, opposée à un dépistage généralisé, recommandait l’année dernière d'intensifier dans les populations à risque –, Santé publique France relaie une expérimentation originale conduite à Montpellier. Celle-ci visait à estimer l’intérêt d’un dépistage généralisé impliquant de très nombreux acteurs. Bien que les résultats de cette expérience – moins de 0,9 % de séropositivité – puissent sembler « décevants », les auteurs du bulletin jugent que cette campagne "[mériterait] d’être reproduite dans le temps et dans d’autres villes si l’on veut atteindre l’objectif de l’OMS à l’horizon 2030 ».
Quoi qu’il en soit, afin d’atteindre au plus vite les objectifs de l’OMS, les hépatologues auteurs de l'éditorial du BEH plaident pour « un programme national de prise en charge des hépatites coordonné par le ministère de la Santé avec des financements, des moyens humains adéquats et des objectifs évaluables ».
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