« L’intelligence artificielle (IA) ne remplace pas l’enseignant. Elle multiplie son champ d’action. » C’est dans cet état d’esprit que l’équipe montpelliéraine menée par le Dr Kévin Yauy, médecin généticien et responsable du laboratoire d’intelligence artificielle (IA) générative en santé au CHU de Montpellier, développe la plateforme DocSimulator qui permet aux étudiants de s’entraîner pour les examens cliniques objectifs et structurés (Ecos).
Cette plateforme propose des examens cliniques standardisés par IA (Asce) à l’aide de l’IA générative pour simuler des cas cliniques virtuels. Dans une étude publiée dans The New England Journal of Medicine AI, les chercheurs ont montré que les étudiants entraînés par Asce ont mieux réussi leurs Ecos que ceux ayant eu une formation standard. « Si je visais une amélioration des compétences cliniques des étudiants, j’ai eu la très bonne surprise de constater qu’au-delà de ce bénéfice, l’utilisation de cette plateforme était aussi positive pour leur santé mentale, confie le Dr Kévin Yauy au Quotidien du Médecin. Ils se sentaient mieux préparés aux Ecos et avaient moins d’appréhension à les passer. J’aime à dire que c’est de l’éducation fondée sur les preuves. »
La plateforme DocSimulator utilise une IA générative basée sur le modèle Generative Pre-trained Transformer 4 (GPT-4) Turbo (version du 6 novembre 2023), développé par OpenAI. Elle permet aux étudiants d’interagir avec des patients simulés dans un format conversationnel écrit et d’avoir un retour sur leur « consultation » avec un score et une analyse écrite de leurs performances. Lors de l’étude, la plateforme proposait 16 scénarios rédigés (contre une cinquantaine en 2025) par des enseignants selon le programme des Ecos et validés par un comité de la faculté de médecine de Montpellier. Les travaux ont été financés par le programme d’excellence I-Site de l’université de Montpellier et Booster Innovation Montpellier.
L’IA, un gain de temps pour développer d’autres compétences
« L’évolutivité et la capacité des Asce à simuler divers scénarios en font un outil de transformation de l’enseignement et de la pratique de la médecine », estime le Dr Yauy. Un constat partagé par Arya Rao (Harvard Medical School) et le Pr Anthony Artino (George Washington University School of Medicine) dans l’éditorial associé, tous deux considérant que les simulations d’IA tiennent « des promesses pédagogiques » et ont « un potentiel à fournir des expériences d'apprentissage évolutives, authentiques et riches en retour d'information ».
« En 2022, les étudiants de mon service étaient stressés par les Ecos. Dans l’optique de mettre en avant du savoir-faire plutôt que des QCM et de gagner du temps de qualité avec eux, j’ai eu l’idée de DocSimulator, relate le Dr Kévin Yauy. Les élèves se connectent à la plateforme, lancent une simulation qu’ils résolvent seuls ou à plusieurs, puis j’interviens durant une heure environ pour débriefer avec eux. Cela me permet aussi d’échanger sur d’autres aspects primordiaux de la médecine, par exemple les compétences relationnelles. »
L’impression d’interagir avec de vrais patients
L’essai contrôlé randomisé en simple aveugle a recruté 247 étudiants en début d’externat dans deux centres universitaires. Les participants ont reçu, durant cinq mois, soit une formation par la méthode Asce (n = 125), soit une formation standard (n = 122).
En cinq mois, dans le groupe Asce, les étudiants se sont entraînés en médiane 6 fois sur la plateforme. Les utilisateurs ont obtenu des résultats significativement plus élevés aux Ecos que le groupe de contrôle (score médian de 11,4 versus 10,7). De plus, les participants ayant utilisé l’Asce ont fait preuve de moins d’absentéisme (0,8 versus 4,9 %), se sentaient mieux préparés (44 versus 10 %) et moins stressés (79 versus 84 %).
Concernant la plateforme DocSimulator et le groupe Asce, 74 % des étudiants ont rapporté avoir eu l'impression d'interagir avec de vrais patients et 67 % d'être évalués par des enseignants. In fine, 88 % ont eu la sensation que leurs compétences cliniques s’étaient améliorées. « La plateforme rappelle aussi les codes du jeu et amène un plaisir d’apprendre avec une pédagogie interactive. Les élèves ont accès à une discussion sur Discord, une plateforme de messagerie instantanée, où ils ont pu échanger sur leurs simulations », précise le Dr Kévin Yauy.
Un travail qui se poursuit
Désormais, le Dr Yauy espère diffuser cet outil à d’autres universités, en France comme à l’étranger, afin d’en faire bénéficier les étudiants comme les enseignants. « Je conçois DocSimulator comme un outil pour les universités qui permet de tirer le meilleur de l’IA », commente-t-il. Pour la suite, l’équipe montpelliéraine déclare travailler sur d’autres études, notamment quant aux risques que pourrait comporter ce type d’outil pédagogique. Un sujet sur lequel Arya Rao et Anthony Artino ont également réagi : « Nous mettons en garde contre une dépendance excessive à l’égard de l’IA, qui pourrait nuire au développement des connaissances et de l’expertise fondamentale. » Tout comme le Dr Yauy, les spécialistes expliquent que l’IA doit avoir vocation à « soutenir » plutôt que « remplacer » le travail cognitif nécessaire pour devenir médecin. Ils la décrivent comme un moyen de « promouvoir le raisonnement diagnostique, l’apprentissage actif et l’équité en matière d’éducation ».
« L’IA est bien là et il faut désormais s’affairer à savoir quoi en faire. Nous, la communauté médicale, devons aujourd’hui comprendre et nous former à l’IA afin de pouvoir définir son utilisation dans l’optique de mieux soigner. Je me réjouis de voir les pouvoirs publics s’emparer de la question avec la stratégie IA et données de santé, car il peut s’avérer difficile de faire avancer tout le monde ensemble », conclut le Dr Yauy.
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