Cette loi doit donner « le choix, l’autonomie et la dignité » aux adultes en phase terminale d'une maladie, n'ayant que six mois ou moins à vivre, selon la députée travailliste Kim Leadbeater qui la porte. Elle a été adoptée ce 29 novembre grâce aux voix de 330 députés de la Chambre des communes, tandis que 275 ont voté contre, après environ cinq heures de débat. Si le projet qui a mobilisé les parlementaires au-delà des clivages politiques classiques doit encore franchir plusieurs étapes au Parlement avant son adoption définitive (examen en commission puis approbation par les deux chambres), ce premier feu vert est considéré comme historique, neuf ans après le rejet d’un précédent texte par la Chambre des communes.
Selon le texte qui concerne l’Angleterre et le Pays de Galles, les malades en phase terminale devront être capables d'exprimer un choix éclairé et de prendre eux-mêmes la substance provoquant leur décès. Le handicap et les pathologies mentales sont exclus. Deux médecins et un juge devront donner leur accord. La substance létale peut alors être prescrite par le médecin, avec un délai d’au moins quatorze jours à partir de l’accord du tribunal. La personne doit faire seule l'acte létal mais le soignant peut préparer la potion ou mettre un dispositif en place pour que le patient puisse boire/s'injecter la substance.
Kim Leadbeater a assuré que ce texte de loi contenait « les garanties et protections les plus solides au monde » et n'avait « rien à voir » avec ceux du Canada ou de la Belgique, où les critères sont beaucoup plus larges. Le texte crée de nouvelles infractions en vertu desquelles il est illégal, par malhonnêteté, coercition ou pression, d'inciter une personne à faire une demande d’aide à mourir ou à s'administrer elle-même un médicament létal.
Pour rappel, en France où les députés devraient reprendre l’examen du projet de loi début février, l’« aide à mourir » concerne des personnes majeures, atteintes d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale, présentant une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, et aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée. Le projet britannique ne prévoit pas qu’un tiers puisse administrer le produit lorsque la personne peut le prendre elle-même à la différence du texte français.
Des divisions et la liberté de vote
Selon un récent sondage YouGov, les trois quarts des habitants d'Angleterre et du Pays de Galles soutiennent un changement de loi, alors qu’aujourd’hui, le suicide assisté est illégal et fait encourir une peine de quatorze ans de prison en cas d'aide ou d'incitation. Mais des dizaines de partisans et opposants au texte s'étaient rassemblées ce 29 novembre devant le Parlement.
Même si ce texte émane de ses rangs, le parti travailliste au pouvoir n'avait pas donné de consigne et le gouvernement avait demandé à ses ministres de rester discrets sur leur vote. Le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui ne s'était pas exprimé jusqu'ici, a voté en faveur du texte, comme lors du précédent vote de 2015.
Lors du débat, de nombreux députés ont évoqué, parfois au bord des larmes, l'expérience d'un proche pour appuyer leur soutien ou leur opposition au texte. Kim Leadbeater a ainsi raconté l'histoire de Norman, un homme atteint d'un cancer de la prostate pendant quinze ans : « quand la maladie s'est répandue et que la douleur n'était plus supportable (...), il est allé dans son jardin et s'est tiré une balle dans la tête ». La loi actuelle « n'est pas claire et ne protège pas les malades, les familles et le personnel de santé, ce qui pousse les gens à des actions désespérées », a-t-elle ajouté.
« Comment peut-on garantir qu'une personne âgée dans une maison de retraite, à qui on a donné six mois à vivre, ne se dira pas : “je suis un fardeau, si je mets fin à mes jours maintenant, ma famille pourra économiser 25 000 à 55 000 livres ?” », s'est interrogé Richard Burgon, un député indépendant. Une trentaine de chefs spirituels avaient fait part en amont du vote de leur « profonde préoccupation », s'inquiétant que les personnes fragiles ressentent un « devoir de mourir » pour soulager leurs proches.
Plutôt qu'une aide à mourir, de nombreux opposants ont réclamé un meilleur financement des soins palliatifs, alors que le système public de santé traverse une profonde crise.
À l’issue du vote, l'ancienne présentatrice vedette de la BBC Esther Rantzen, atteinte d'un cancer en phase terminale et qui avait contribué à relancer le débat sur le suicide assisté, s'est dite « absolument ravie ». L'association Care Not Killing, opposée au suicide assisté, s'est dit elle « déçue » tout en soulignant un résultat « extrêmement serré ».
L'Écosse, qui dispose de pouvoirs délégués en matière de santé, doit voter sur son propre projet de loi en 2025. L’Île de Man examine également un texte, tandis que Jersey, autre île anglo-normande, a validé la préparation d'une loi d'ici à 2027.
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