Sept associations de patients* se réunissent en collectif et publient un manifeste pour la reconnaissance de la GVH chronique (cGVH), la maladie du greffon contre l’hôte, comme une maladie rare. Le groupe, nommé « Agir ensemble pour la reconnaissance de la GVH chronique », avec le soutien de médecins experts, y fait neuf propositions à destination des pouvoirs publics dans l’objectif d’une labellisation en filière « maladies rares » pour cette maladie qui survient chez environ 40 % des patients ayant reçu une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH).
« Nous souhaitons unir nos forces pour engager les autorités de santé, mais aussi informer les professionnels de santé et le grand public sur la cGVH », a témoigné Guy Bouguet, président fondateur d’Ellye et porte-parole du collectif, lui-même atteint d’une cGVH, lors d’une conférence de presse donnée pour le lancement officiel du collectif, le 10 juin 2025. « L’accès aux soins souffre de disparités et les conséquences de la cGVH sur les patients et les aidants sont lourdes », poursuit-il. Or, « du fait de ses caractéristiques immuno-hématologiques, la cGVH doit naturellement s’inscrire au sein de la filière Marih (maladies rares immuno-hématologiques) », a appuyé le Pr Édouard Forcade, hématologue au CHU de Bordeaux. Une organisation au sein d’une filière permettrait, selon les experts, de répondre aux besoins des patients et proposer un parcours de soins efficient et fléché en France.
Un taux de mortalité de 15 %
« La cGVH se caractérise par l’apparition de lésions inflammatoires fibrosantes dues à une activation excessive du système immunitaire. Ces lésions vont s’installer durablement avec des symptômes lourds et difficiles à traiter, d’où le caractère chronique de la maladie », détaille le Pr David Michonneau, hématologue à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP). Elle se déclare en post-allogreffe de CSH chez 30 à 70 % des patients, selon les registres, « soit environ 40 % en moyenne ». En France, sur 2 100 patients recevant une allogreffe de CSH chaque année, ce sont environ 300 nouveaux cas par an. Elle se caractérise par un polymorphisme, avec en moyenne trois organes touchés, et a des répercussions sur la qualité de vie et la survie. En effet, les experts estiment un taux de mortalité lié à la cGVH d’environ 15 % et un taux de rémission d’environ 10 à 15 %. « La GVH chronique est un deuxième parcours pour les patients avec des répercussions fortes sur la vie personnelle et professionnelle », explique le Pr David Michonneau.
Médecins généralistes, les veilleurs de ville
Malgré sa fréquence et la bonne connaissance par les experts de cette pathologie, la cGVH souffre d’une pénurie de spécialistes d’organes experts de la pathologie ainsi que d’une disparité des ressources et expertises entre les centres allogreffeurs sur le territoire national. Une problématique particulièrement marquée lorsque vient la transition enfant-adulte.
À ce jour, « la GVH chronique ne dispose pas de solutions thérapeutiques spécifiques, ni de filières de soins organisées pour les enfants post-allogreffe et pour les adultes ayant été greffés dans l’enfance, ce qui permettrait pourtant d’assurer une continuité des soins et une prise en charge au bon niveau des patients », a déploré le Pr Jean-Hugues Dalle, hématopédiatre à l’hôpital Robert-Debré (AH-HP).
La transition enfant-adulte est un événement fondamental du parcours de soins. « C’est un passage souvent difficile pour les enfants, très attachés à leur pédiatre, qui doivent désormais s’approprier leur prise en charge », confie le Pr Dalle pour Le Quotidien. « Dans les hémopathies, malignes ou non, c’est l’hématologue qui est le chef d’orchestre, que ce soit pour les enfants ou les adultes. Et il est crucial de ne jamais lâcher le suivi car les complications peuvent survenir des années après. »
Ainsi, l’organisation en filière de santé « maladies rares » permettrait la reconnaissance de la cGVH comme une maladie rare et non comme une simple complication de l’allogreffe. Une reconnaissance qui impliquerait ainsi : un parcours de soins de référence défini dans le cadre d’un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) et fléché pour tous les patients sur l’ensemble du territoire ; des dotations financières permettant le renforcement du travail pluridisciplinaire et en réseau ainsi que le développement d’outils numériques destinés aux patients ; l’organisation de la prise en charge pédiatrique avec des moyens spécifiques ; et le développement de la recherche et de la formation. « Les médecins généralistes ont aussi un rôle fondamental à jouer dans la prise en charge des patients. Ils sont souvent en première ligne et vont recevoir des patients pour des complications qui semblent anodines, par exemple une conjonctivite, mais qui sont en réalité les symptômes d’une GVH aiguë ou chronique. La connaissance de la maladie par les médecins généralistes est très importante », développe le Pr Michonneau pour Le Quotidien.
Projet de labellisation pour 2029
En France existent 38 centres d’allogreffes, dont certains comme à Bordeaux, Paris ou encore Toulouse ont mis en place une organisation pluridisciplinaire aux niveaux régional et interrégional (réunions de concertation pluridisciplinaire, programme d’éducation thérapeutique, réseaux paramédicaux et médicaux). « C’est sur la coordination des hématologues et des spécialistes d’organes que se fonde la prise en charge », explique la Dr Anne Huynh, hématologue à l’Oncopole de Toulouse et présidente de la Société francophone de greffe de moelle et thérapie cellulaire qui soutient le manifeste et s’affaire à harmoniser les savoirs et les pratiques.
« Nous avons tous les éléments pour nous intégrer au sein d’une filière « maladies rares » à l’occasion de la prochaine campagne de labellisation en 2029 », se réjouit le Pr Édouard Forcade. Le programme de recherche LEA (Leucémies et autres hémopathies malignes de l'enfant et l'adolescent) a également grandement participé à bâtir les connaissances autour de la GVH. Il propose notamment une consultation du suivi post-greffe et un modèle de transition enfant-adulte dans le cadre de la prise en charge oncologique.
Enfin, le collectif se dote d’une feuille de route pour engager le Parlement et les autorités de santé à intégrer dans les politiques de santé publique la prise en charge de la cGVH. D’ici à 2029, le collectif entend travailler sur le PNDS et continuer les recherches.
*Egmos, Ellye, Laurette-Fugain, Restart, Fédération leucémie espoir, CCM et France moelle espoir
Les neuf propositions du manifeste
• Organiser la prise en charge de la GVH chronique au sein d’une filière de santé « maladies rares » (filière Marih)
• Organiser la transition entre le parcours de soins pédiatrique et le parcours de soins adulte post-allogreffe
• Permettre une juste reconnaissance par la loi du fardeau des patients
• Mieux prendre en charge les souffrances psychiques
• Mieux éduquer le patient à l’auto-vigilance pour éviter les pertes de chance
• Attribuer aux patients un professionnel de santé référent, interface avec les acteurs du soin
• Clarifier les responsabilités de l’aidant et mieux le soutenir
• Créer les conditions d’une réinsertion professionnelle adaptée et bienveillante
• Organiser le suivi global et à long terme des patients atteints de GVH chronique
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