Des analyses préliminaires l’avaient déjà suggéré, des travaux plus récents le confirment : l’année dernière, le dépistage du VIH a significativement reculé. C’est ce que déplore Santé publique France, qui a actualisé les données 2020 de surveillance de l’infection dans l’Hexagone à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida (1er décembre).
L’agence relève une réduction du dépistage d’autant plus notable que des progrès significatifs avaient été réalisés au cours des six années précédentes. « L’activité de dépistage du VIH, qui avait augmenté entre 2013 et 2019, a diminué (de 14 %) entre 2019 et 2020 », résume-t-elle. L’an dernier, les laboratoires de biologie médicale n’ont réalisé que 5,2 millions de sérologies VIH, contre plus de 6,2 millions en 2019.
Accès difficile et limitation des expositions à risque
En cause : le Covid-19, qui a limité l’accès au dépistage, en particulier pendant le premier confinement, avec la fermeture des centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD). À noter que la fermeture de ce genre de structures pourrait expliquer le nombre de découvertes de séropositivité singulièrement abaissé chez les personnes nées à l’étranger (- 28 % par rapport à 2019). « Outre des flux migratoires en baisse, cette diminution peut s’expliquer par un accès au dépistage rendu plus particulièrement difficile pour cette population », explique Santé publique France.
Mais la pandémie pourrait également avoir réduit en partie les besoins en dépistage : les mesures de distanciation sociale pourraient avoir limité les expositions à risque. Cependant, cet effet du Covid-19 aurait été « vraisemblablement limité au premier confinement ».
Quoi qu’il en soit, ce recul du dépistage apparaît inquiétant dans la mesure où il pourrait provoquer des retards de diagnostic et « une circulation plus importante (du VIH) ». « En 2020, 30 % des infections à VIH ont été découvertes à un stade avancé », s’alarme Santé publique France.
Aussi l’instance appelle-t-elle à « inciter la population à recourir au système de soins, et notamment à l’offre de dépistage dans toutes ses modalités ». Pour ce faire, Santé publique France diffuse une campagne d’information visant notamment à « accroître la connaissance de l’effet préventif du traitement antirétroviral (TasP) » en population générale – ce qui pourrait, selon elle, favoriser le recours au dépistage.
Trois questions au Dr Guillaume Conort, généraliste et maître de conférence de médecine générale à l’université de Bordeaux
Une meilleure connaissance du concept de TasP pourrait-elle favoriser le dépistage, comme le suggère Santé publique France ?
Dr G. C. : Ce terme de TasP souffre d’un passif. Cette notion évoquée pour la première fois en 2008 par le suisse Bernard Hirschel, qui montrait que les séropositifs traités depuis plus de 6 mois ne transmettaient plus le VIH, a d’abord été accueillie violemment par la communauté médicale. D’autant qu’à l’époque, le traitement précoce n’était pas systématique. Depuis, les opinions ont certes évolué, le rapport Hirschel ayant été corroboré par plusieurs études, mais un arrière-fond de rejet du TasP persiste. Aussi, la formule « indétectable = intransmissible », qui résume l’idée que les patients traités depuis 6 mois avec charge virale (cv) indétectable ne transmettent pas le virus, me semble plus adaptée.
En pratique, comment la formule « indétectable = intransmissible » peut-elle inciter au dépistage ?
Dr G. C. : J’ai participé à une étude qui a montré qu’en médecine générale, un frein majeur au dépistage est la peur. Or, ce concept d’« indétectable = intransmissible » permet de montrer qu’un diagnostic de séropositivité n’empêche pas de continuer à vivre normalement. Car une cv indétectable autorise, par exemple, dans un couple stable sérodifférent, à retirer le préservatif et procréer sans faire appel à la médecine. De plus, elle évite aux partenaires des personnes séropositives d’avoir à prendre la prophylaxie pré-exposition (PrEP).
Quels autres sujets abordez-vous pour inciter à se faire dépister ?
Dr G. C. : Je l’ai dit, le principal frein au dépistage est la peur. Or une angoisse importante concerne la maladie elle-même. Ainsi, j’ai surtout tendance à rassurer mes patients sur l’espérance de vie des personnes qui vivent avec le VIH – la même qu’en population générale, pourvu que l’infection ait été prise en charge précocement. Certains patients ont par ailleurs une perception erronée de leur risque – problématique récurrente au cabinet –, ce dont je discute avec eux.
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