Dispositif ViliganS, numéro national 3114, formations aux premiers secours en santé mentale… L’arsenal de lutte contre le suicide s’est étoffé ces dernières années. L’enjeu est désormais la pleine appropriation de ces ressources sur le terrain, comme le montre l’exemple de VigilanS.
Le dispositif de recontact des personnes hospitalisées à la suite d'une tentative de suicide (TS), lancé en 2015 dans le Nord-Pas-de-Calais, est depuis déployé dans tous les départements de France, sauf Mayotte, indique au Quotidien le Pr Guillaume Vaiva, co-fondateur, pilote de la mission nationale VigilanS, et co-responsable scientifique du Centre national de ressources et de résilience (CN2R). VigilanS a accompagné plus de 20 000 personnes sur les 6 premiers mois de l’année 2024, selon le ministère de la Santé.
Pour rappel, VigilanS consiste à recontacter des patients ayant été hospitalisés pour une crise suicidaire – sachant que la survenue d’une TS multiplie par 20 le risque de réitération dans l’année, et par 4 le risque de suicide ultérieur. Concrètement, la personne se voit proposer son inclusion dans le dispositif au moment de sa sortie d’hôpital. Une carte ressource lui est alors remise avec le numéro de téléphone où elle peut joindre, en cas de mal-être, les « vigilanseurs », ces soignants (infirmiers en psychiatrie ou psychologues) formés.
Si la personne a déjà fait plus d’une TS, elle est recontactée par téléphone, 10 à 20 jours après son hospitalisation. Tous les patients reçoivent une carte postale personnalisée ou un SMS tous les mois durant quatre mois ; au bout de 6 mois, ils sont rappelés pour une évaluation téléphonique détaillée de leur situation, à la suite de laquelle la veille est reconduite ou terminée si elle n’est plus nécessaire. Le médecin traitant et le cas échéant le psychiatre sont informés par courrier de l’entrée et de la sortie de leur patient dans le dispositif. Ils peuvent aussi être contactés si le patient ne répond pas au vigilanseur au cours du suivi. Ils disposent enfin d’un numéro pour répondre à leurs questions.
Environ 40 % en moins de réitération suicidaire
VigilanS diminue de 38 % le risque de réitération suicidaire (passage aux urgences ou hospitalisation pour tentative de suicide ou décès par suicide) dans les 12 mois suivant une tentative de suicide, selon une enquête de Santé publique France publiée en 2023. L’agence a mesuré l’efficacité du dispositif sur la période 2015-2017 dans les six premiers territoires l’ayant expérimenté : Nord-Pas-de-Calais, Bretagne, Haute et Basse-Normandie, Languedoc-Roussillon et Jura. En outre, le groupe des patients recontactés déplore moins de décès (61) que le groupe hors dispositif (77). Et l’efficacité du dispositif est observée quel que soit le sexe, qu’il s’agisse de la première tentative de suicide (-37 %) ou d'une récidive (-39 %).
Ce 10 septembre, SPF publie une nouvelle étude ciblée sur l’Auvergne-Rhône-Alpes, mesurant le taux de réitération suicidaire à six mois entre 2017 et 2021. Comme au niveau national, une diminution significative de -40,7 % du taux de réitération suicidaire à six mois est observée dans le groupe d’établissement partenaires de VigilanS (c’est-à-dire dont les urgences sont reliées à un des quatre centres de coordination régionale, à Clermont-Ferrand, Saint-Étienne, Lyon, Grenoble), par rapport à la période précédant la mise en place du dispositif. Cette diminution ne se retrouve pas dans le groupe contrôle. À noter, avoir entre 30 et 39 ans s’est révélé associé significativement à la réitération (versus 40-49 ans, risque relatif ajusté, RRa=1,15), ce qui invite à adapter le protocole à l’âge, concluent les auteurs.
Augmenter le taux de participation et l’articulation avec les autres dispositifs
Toujours est-il que VigilanS s’avère efficace et même efficient : « 1 euro investi dans VigilanS, c’est entre 2 et 7 euros d’économisés pour le système de santé », rappelle le Pr Vaiva, alors que le dispositif est financé à hauteur de 11 millions d’euros chaque année.
Le défi est aujourd’hui « l’augmentation de la pénétrance du dispositif dans les territoires », résume le Pr Vaiva – c’est-à-dire le pourcentage de patients qui intègrent VigilanS au sortir des urgences. « L’efficacité du dispositif est proportionnelle à sa pénétrance : l’objectif est qu’entre 50 et 60 % des personnes qui sortent des hôpitaux français après une TS intègrent ce dispositif de veille. Aujourd’hui, la moyenne en France est de 35 à 40 % avec de grandes disparités », explique-t-il. Un autre chantier (achevé d’ici à la fin 2024, espèrent les acteurs) est la mise en place d’un système d’information unique pour tous les VigilanS, afin d’harmoniser le fonctionnement et le recueil de données.
Au-delà de la réussite de VigilanS, la lutte contre le suicide ne sera optimale que lorsque l’ensemble des dispositifs seront articulés au mieux les uns aux autres, analyse le Pr Vaiva. De fait, la stratégie nationale repose aussi sur le numéro national 3114, mis en place depuis octobre 2021, pour les personnes en détresse psychique, leur entourage, les endeuillés ou encore les professionnels qui souhaitent obtenir des avis et conseils spécialisés. Au bout du fil, des infirmiers et psychologues hospitaliers, supervisés par un psychiatre, dans 17 centres en région. La prévention s'appuie par ailleurs sur la société civile, à travers le déploiement de sentinelles formées et des secouristes en santé mentale (130 000 selon les derniers chiffres), des associations ciblant des publics différents, ou encore, du programme Papageno de lutte contre la contagion suicidaire dans les médias et les réseaux sociaux.
Même si le nombre de suicides tend à diminuer depuis 20 ans, on compte toujours près de 9 000 décès par suicide chaque année en France, et environ 200 000 TS, un taux supérieur à la moyenne des autres pays de l'Union européenne.
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