« Prenez soin de vous, prenez rendez-vous » : avec ce slogan explicite, plusieurs associations de patients atteints de pathologies chroniques – la Fédération française des diabétiques, l’Alliance du cœur, le Collectif national des associations d’obèses (CNAO), la Fondation de recherche sur l’hypertension artérielle, la Société française de santé digitale – ont lancé ce jeudi la campagne nationale #revoirsonmedecin déclinée sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram) pour inciter les malades à retrouver « au plus vite » le chemin des cabinets libéraux ou de l'hôpital.
La lutte contre le renoncement aux soins est jugée prioritaire alors que la continuité des soins reste fragilisée. 40 % des patients touchés par une maladie chronique ne sont pas retournés voir leur médecin généraliste/spécialiste ou n'ont pas repris leurs soins courants depuis la fin du confinement, le 11 mai, selon un sondage* réalisé pour la Fédération française des diabétiques et ses partenaires.
Un constat alarmant pour les associations qui représentent 15 à 20 millions de patients chroniques de France. « Nous redoutons l’explosion des complications liées aux maladies chroniques, aux maladies cardio-métaboliques, à l’hypertension, à l’obésité et même au retard pris pour le dépistage des cancers et qui vont d’un seul coup resurgir ensemble. Il s’agit d’une véritable bombe à retardement car la maladie chronique est sournoise et très insidieuse », explique Jean-François Thébaut, vice-président de la Fédération française des diabétiques, ex-président du Syndicat national des cardiologues.
Comportements disparates
Durant le confinement d'abord, 69 % des patients chroniques ont connu une annulation ou un report de rendez-vous médical pour un contrôle, un examen ou une opération chirurgicale, avec des comportements variables selon les régions. En Ile-de-France, trois quarts des malades chroniques ont subi un report ou une annulation de rendez-vous médicaux (mais seulement 60 % en Bourgogne Franche-Comté). C’est en région PACA que le nombre de reports de rendez-vous médicaux chez un spécialiste a été le plus important durant cette période (51 %).
Pendant le confinement toujours, 53 % des patients chroniques ont consulté un médecin généraliste et un quart seulement un spécialiste (en présentiel ou téléconsultation). Au total, deux tiers des malades ont consulté un praticien durant le confinement mais, là encore, avec des disparités régionales : 55 % des patients chroniques ont consulté en PACA contre 75 % en Bretagne.
Mais surtout, le déconfinement n'a pas permis un retour généralisé aux soins, seuls 60 % des patients chroniques ayant peu ou prou repris le chemin des cabinets. Parmi eux, 40 % ont déjà revu leur généraliste et 27 % un spécialiste, très majoritairement en présentiel.
Parmi les patients réticents à retourner au cabinet que ce soit pendant le confinement ou après, plus d'un tiers veulent éviter de surcharger le praticien (détail dans le graphique).
Recours au pharmacien
L'épidémie a déjà laissé des traces sur la santé mentale et physique. Un quart des patients sondés (26 %) estiment que leur santé s'est dégradée et 34 % ont le sentiment d'un moins bon suivi. Un patient sur cinq se sent « moins bien physiquement » et même un tiers « moins bien psychologiquement ».
Pour Anne-Sophie Joly, présidente du CNAO, cette vulnérabilité est aussi responsable du renoncement aux soins. « Il y a eu un stress intense lié à la crainte d'être contaminé par le Covid. Des patients ont fait de l'hyperphagie, certains ont eu des idées suicidaires. Un patient m'a contactée lors d'une crise de goutte et préférait souffrir plutôt que d'aller consulter », raconte-t-elle.
Le rôle du pharmacien en revanche s'est affirmé. La très grande majorité des patients (87 %) se sont déplacés en officine, le plus souvent pour renouveler leurs médicaments (73 %), leur ordonnance périmée (10 %) ou faire un stock de médicaments (4 %). Pour le Pr Xavier Girerd, président de la Fondation pour la recherche sur l'hypertension artérielle, c'est un bon signal. « Les patients ont continué à prendre leur traitement, même avec une réorganisation des soins, l'observance était au rendez-vous. Il n'y a pas eu de rupture de ce côté-là. »
* Sondage Chronic Panel - B3TSI pour la Fédération française des diabétiques, réalisé en ligne auprès de 2 400 patients atteints d'une pathologie chronique entre le 29 mai 2020 et le 6 juin 2020 selon la méthode des quotas.
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