Les nouvelles technologies occupent aujourd’hui une place de plus en plus importante dans le domaine de la dermatologie. « Notre spécialité a été une des premières à y avoir recours. C’est assez logique. La dermatologie est une spécialité visuelle, et le fait de pouvoir envoyer des images facilement et de manière sécurisée a été un facteur décisif pour faciliter l’irruption des nouvelles technologies dans nos pratiques », explique la Pr Anne Dompmartin, dermatologue au CHU de Caen, où elle est chargée de l’activité de télémédecine.
Selon elle, les nouvelles technologies ouvrent diverses perspectives : « La première, sans doute la plus lointaine, est l’utilisation de nouveaux outils pour faire du dépistage et du diagnostic sans intervention humaine. Grâce à l’intelligence artificielle, 130 000 photos de lésions dermatologiques ont pu être analysées et triées, permettant de dépister des mélanomes avec un taux d’erreur de 28 % versus 34 % pour l’œil humain. Cette première expérience américaine ouvre une voie dans l’analyse des images et le dépistage de cancers cutanés. »
L'échange toujours au centre de la consultation
De manière plus immédiate, les nouvelles technologies affectent la dermatologie via la téléexpertise et la téléconsultation. « Dans le premier cas, il s’agit de faire un diagnostic ou de porter une première appréciation à partir de photos prises sur le patient. Le cliché doit être de bonne qualité, et surtout permettre au dermatologue de se faire une idée précise et juste de la situation. Cela peut être assez simple en cas de lésion isolée. Mais c’est souvent plus compliqué en cas d’éruption généralisée, car les photos ne sont pas toujours faites au bon endroit. Cela peut permettre de “débrouiller” une première situation. En dehors d’un avis ponctuel, la téléexpertise n’est pas appréciée par les patients dans le cadre d’un suivi régulier, car ils ont le sentiment qu’on les soigne sans eux », assure la Pr Dompmartin.
La téléconsultation permet d’avoir un échange direct à distance entre patient et médecin « Très utile pour les patients qui ont du mal à se déplacer, par exemple les personnes âgées dans les Ehpad. Les outils utilisés sont soit des tablettes (au lit du malade sans le déplacer) soit, dans un local dédié, un chariot de télémédecine avec une caméra permettant des gros plans sur des lésions dermatologiques ou une plaie. Le chariot permet la télémédecine dans d’autres spécialités (cardiologie…). Le fait de pouvoir échanger avec le patient est important », souligne la spécialiste, qui a mis en place, au CHU de Caen, un réseau de télésuivi des plaies chroniques.
« L’idéal est de faire un diagnostic initial en présence du patient, et ensuite un suivi à distance en connaissant son dossier clinique. Il est important de préciser que les nouvelles technologies ne pourront pas remplacer le colloque singulier entre le médecin et son patient. De plus, comme dans la consultation présentielle, le médecin doit pouvoir établir un lien avec une structure hospitalière permettant de prendre en charge une urgence ou une aggravation éventuelle », rappelle la Pr Dompmartin.
À terme selon elle, la télémédecine pourrait permettre aux dermatologues de se consacrer à des tâches relevant uniquement de leur compétence médicale : « Après la réalisation d’un pansement pour une escarre, la présence d’un médecin n’est pas indispensable à chaque consultation. Le suivi peut très bien être assuré par un infirmier expert qui alerte le médecin en cas d’aggravation ou de stagnation de la cicatrisation. »
Enfin, s’il existe un frein à l’utilisation de la télémédecine, c’est la lourdeur des procédures de sécurisation de la confidentialité des données… jusqu’à ce que des solutions techniques performantes viennent les simplifier.
Entretien avec la Pr Anne Dompmartin, dermatologue et responsable de la télémédecine au CHU de Caen
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes