La formule est éculée mais juste : si elle n’a pas de prix, la santé a un coût et même un budget, de plus en plus élevé au demeurant dans les pays développés – même si ce secteur est aussi (surtout) porteur de croissance, de richesse et d’emplois qualifiés non délocalisables.
Dans un contexte où les finances publiques sont limitées, mais où les dépenses et besoins de santé sont en croissance régulière, sous l’effet des progrès techniques, des innovations thérapeutiques et de l’explosion des pathologies chroniques, les dilemmes et polémiques se multiplient, comme l’a montré le récent forum européen de bioéthique, à Strasbourg, sur le thème « l’argent et la santé ».
L’anomalie selon Migaud
Trois dossiers d’actualité illustrent ces rapports de plus en plus délicats entre argent et santé, bousculant au passage le contrat social à la française.
Le premier concerne le trop fameux « trou » de la Sécu. Vigie austère de l’usage des deniers publics, le socialiste Didier Migaud, président de la Cour des comptes, a jugé la semaine dernière que le retard dans la résorption du déficit de la Sécurité sociale (et notamment de la branche maladie) était une « véritable anomalie » hexagonale, dénonçant l’augmentation des dépenses courantes financées « pour partie par emprunt », c’est-à-dire par les générations futures. De fait, ces cinq dernières années, la Sécu a accumulé un déficit équivalent à une année complète de dépenses de la branche vieillesse (ou deux ans de dépenses de la branche famille !). L’encours de la dette sociale atteint157 milliards d’euros, soit huit points de PIB. La seule charge annuelle de la dette mobilise plus de 15 milliards d’euros, ce qui équivaut à une année et demi d’indemnités journalières. Pour la Cour des comptes, ces déficits permanents fragilisent le pacte républicain et la cohésion sociale.
Dérive consumériste ?
Autre sujet où, paradoxalement, se mêle l’argent et la santé : le tiers payant généralisé en ville. Certes, sur le papier, cette réforme inscrite dans la loi de santé ne coûte rien ou presque. Mais depuis des mois, les détracteurs du tiers payant instruisent le procès d’une mesure jugée « inflationniste » et surtout « déresponsabilisante » qui donnerait aux patients le sentiment d’une « médecine gratuite ». Nombre de médecins estiment aussi que le tiers payant généralisé facilitera les transferts « cachés » du régime obligatoire vers les assureurs complémentaires. La perte de liberté est également citée. Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, « tout lien financier direct avec les assureurs complémentaires induit une dépendance du praticien avec les dérives que cela peut engendrer ». Le syndicat défend l’idée d’une solution monétique à débit différé pour organiser la dispense d’avance de frais.
Sofosbuvir : bataille sur le brevet
Troisième illustration des rapports troubles entre argent et santé : le prix très élevé des nouveaux traitements. Pour la première fois, le budget de la Sécurité sociale a prévu un mécanisme spécifique de régulation des dépenses dédiées aux nouveaux traitements anti-VHC (les laboratoires reverseront en fonction du chiffre d’affaires). Surtout, Médecins du Monde (MDM) vient d’engager un bras de fer avec le laboratoire Gilead pour contester le prix du sofosbuvir. L’ONG médicale a déposé un mémoire d’opposition au brevet du Sovaldi « pour favoriser l’accès universel aux traitements contre l’hépatite C ». Objectif de cette démarche inédite : autoriser la production de versions génériques alors que le coût de ce traitement, une avancée thérapeutique majeure, atteint 41 000 euros en France pour une cure de 12 semaines. La bataille juridique devrait durer des mois. Médecins du Monde ne s’en cache pas : il s’agit aussi d’ouvrir le débat public sur le mode de fixation du prix des médicaments.
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