La révision des lois de bioéthique, annoncée pour cette année 2018, va-t-elle entraîner une modification de la législation sur les greffes d’organes ? « Pour l’instant, c’est encore trop tôt pour le dire. Les sujets qui seront discutés lors de cette révision sont ceux qui vont émerger lors des débats organisés en régions lors des prochains mois. Il est certain qu’il y a des interrogations autour du principe du consentement présumé, mais je ne pense pas qu’au final ce principe sera remis en cause lors de cette révision des lois de bioéthique », estime la Dr Béatrice Birmelé, néphrologue au CHU de Tours et membre du comité de pilotage des états généraux de la bioéthique.
Dans le cadre de cette révision, un site Internet participatif a été ouvert. Les espaces de réflexion éthique régionaux sont chargés d’animer les débats au niveau local, sur deux ou trois thématiques de leur choix. « Le thème du don d’organes sera discuté uniquement dans deux régions, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes. Il est donc difficile de dire si cette thématique va, finalement, occuper ou non une place importante lors de la révision de la loi de 2011 », indique la Dr Birmelé.
Difficile de s’opposer à la famille
C’est cette loi qui a permis d’instaurer en France le don croisé du vivant, utilisé aujourd’hui pour le don de reins entre deux couples. Mais ce qui préoccupe aujourd’hui les équipes de prélèvement, c’est surtout l’application des nouvelles dispositions législatives entrées en vigueur au 1er janvier 2017 après des débats peu passionnés. Au départ, tout est parti, en 2015, de la volonté du député Jean-Louis Touraine (alors au PS, aujourd’hui à La République en marche) de faire appliquer de manière plus stricte le principe du consentement présumé. « Ce principe a été instauré à l’initiative du sénateur Henri Caillavet, le 22 décembre 1976. Il stipule que toute personne est présumée favorable au don de ses organes, sauf si elle a indiqué de son vivant y être opposée », rappelle la Dr Birmelé. Pour faire baisser le nombre de refus, Jean-Louis Touraine souhaitait qu’en cas de non-inscription au Registre national du refus de la personne en état de mort cérébral, les équipes hospitalières puissent prélever ses organes en se contentant d’informer ses proches. « Il n’est pas acceptable de ne plus consulter les familles », avaient alors réagi de nombreux acteurs du monde médical. Devant le tollé, il a été décidé, finalement, de renforcer le consentement présumé, tout en élargissant les modalités permettant à chacun d’exprimer son refus.
Depuis le 1er janvier 2017, il est ainsi plus facile, notamment via internet, de s’inscrire sur le Registre national des refus. Quant aux familles confrontées à la mort encéphalique d’un proche, elles sont toujours consultées par les équipes hospitalières. « Ce qu’on leur demande, ce n’est pas leur avis, mais si leur proche avait exprimé ou non une position sur le don d’organes », précise la Dr Birmelé. Auparavant, c’était oralement que la famille témoignait de la position de son proche. Mais, depuis le 1er janvier, en cas de refus, la famille doit rédiger un document écrit précisant les circonstances d’expression de ce refus. Elle peut dire que c’est, par exemple, après une émission sur le don d’organes. « Mais les équipes de prélèvement avec lesquelles je discute affirment qu’elles continuent de tenir compte de ce que disent les familles. Si l’une d’elles s’oppose au prélèvement, elles respectent sa volonté. Il est impossible d’aller contre une famille. La médecine, c’est aussi une affaire de relations humaines, et il faut tenir compte de la détresse et de la vulnérabilité de la famille dans ces circonstances », indique la Dr Bimerlé, en jugeant peu probable que cette révision de 2018 ne remette en cause ce principe du consentement présumé.
Entretien avec la Dr Béatrice Birmelé, néphrologue au CHU de Tours, membre du comité de pilotage des états généraux de la bioéthique, responsable de l’espace de réflexion de la région Centre-Val de Loire
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes