L'Allemagne rouvre le débat sur le suicide assisté, après que la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe a censuré, ce 26 février, une loi de 2015 qui l'interdisait. Selon le président de la Cour constitutionnelle Andreas Vosskuhle, cette loi était inconstitutionnelle car elle « privait les patients du droit de choisir leur mort », un droit qui « inclut la liberté de s'ôter la vie et de demander de l'aide pour le faire », selon lui.
La Cour ne légalise pas pour autant le suicide assisté, mais rappelle au législateur qu'il existe « un large éventail de possibilités » pour réglementer l'assistance au suicide, comme des obligations d'information et d'attente. Elle a précisé que l'aide au suicide « ne devait pas être limitée à certaines phases de la vie et de la maladie », autrement dit, pourrait concerner des personnes qui ne seraient pas atteintes d'une maladie incurable.
Une première décision en 2017
Cette décision pourrait mettre un terme à plusieurs années de contestations de la loi de 2015, qui sanctionne d'une peine de trois ans de prison « l'assistance organisée au suicide » par des médecins ou associations.
Deux ans plus tard, en 2017, la Cour administrative de Leipzig, saisie par le mari d'une femme paralysée partie en Suisse pour bénéficier d'un suicide assisté, avait considéré que « dans des cas exceptionnels, l'État ne peut empêcher l'accès d'un patient à des produits anesthésiques qui lui permettraient de se suicider de manière digne et sans douleur ».
Mais cette décision n'avait jamais été mise en œuvre, à la demande du ministère de la Santé. « Il ne peut revenir à des fonctionnaires ou en dernier ressort à moi en tant que ministre, de décider qui peut mourir » avait expliqué Jens Spahn, membre de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) en 2018. L'Institut fédéral du médicament de Bonn avait dû refuser plus de cent demandes d'assistance au suicide, selon la presse allemande.
Le gouvernement d'Angela Merkel va étudier « avec attention » la centaine de pages de l'arrêt de la Cour constitutionnelle avant de prendre une décision, a-t-il fait savoir. « Le ministre conservateur de la Santé Jens Spahn doit à présent renoncer à son opposition à la remise des médicaments nécessaires », s'est félicité la vice-présidente du groupe social-démocrate au Bendestag, Bärbel Bas. Ce dernier, qui brigue de plus hautes responsabilités au sein de la CDU, a annoncé prudemment qu'il allait ouvrir des discussions avec les parties intéressées pour trouver une « solution conforme à la constitution ».
La porte ouverte par la Cour constitutionnelle est une vraie rupture dans une Allemagne toujours marquée par le souvenir de la politique d'euthanasie menée par le IIIe Reich contre les personnes handicapées. Si plus de 80 % des Allemands (selon un sondage Infratest-Dimap) soutiennent l'assistance médicale à la fin de vie, la décision de la Cour a suscité le désarroi des autorités catholiques et protestantes.
L'euthanasie reste, elle, interdite.
Une réflexion à l'échelle européenne
Si euthanasie et suicide assisté (lorsque la personne prend elle-même la dose mortelle) sont bien différents, la décision de l'Allemagne intervient alors que plusieurs pays européens tendent à assouplir leur législation autour de la fin de vie.
Après que l'Italie a dépénalisé le suicide assisté à l'automne 2019, l'Espagne vient d'accepter d'examiner une loi reconnaissant un droit à l'euthanasie. Et le Portugal a approuvé la semaine dernière (20 février) en première lecture cinq propositions de loi définissant les conditions spéciales pour « la pratique d'une euthanasie non punissable ». Pour rappel, trois pays autorisent l'euthanasie en Europe : Pays-Bas, Belgique et Luxembourg.
En France, euthanasie et suicide assisté sont interdits. Seul est possible un arrêt des traitements dans des conditions très strictes, accompagné d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès, qui est aussi praticable lorsque le pronostic vital est engagé à court terme et que le patient présente une souffrance réfractaire aux traitements. Mais la récente affaire du Dr Méheut-Ferron, un généraliste poursuivi pour avoir administré du midazolam à 5 de ses patients (il devrait être fixé sur son sort début mars) a mis en lumière les difficultés de la prise en charge de la fin de vie à domicile.
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