LE QUOTIDIEN - Un quart des signalements que reçoit la MIVILUDES concerne le secteur de la santé. Comment peut-on l’expliquer ?
Dr Bruno Verrecchia - Tout d’abord, il ne faut pas négliger la grande propension de tout être humain à la « soumission librement consentie », propension qui peut se révéler d’autant plus grande lorsqu’une personne se retrouve en situation de vulnérabilité ou de détresse. Les dérives sectaires, ou celles que l’on peut observer dans la vaste nébuleuse des pratiques dites psychothérapeutiques, prospèrent ensuite sur le terrain d’une médecine qui, dans sa pratique, accorde beaucoup d’importance au corps en tant qu’organisme. Certes, la médecine bénéficie aujourd’hui des apports considérables des sciences fondamentales et de technologies avancées qui permettent de guérir un nombre croissant d’affections jusque là incurables, de mieux soulager la souffrance, d’améliorer l’autonomie de patients lourdement handicapés. Mais ces progrès, paradoxalement, peuvent parfois charrier une certaine violence au travers d’une technicisation déshumanisée. Les patients sont certes pris en compte dans leur organicité mais quelquefois au détriment de leur existence propre. N’oublions pas qu’un « être humain » est tout autant « être » que « vivant ». Les sectes qui proposent des prêts à penser, des « ready-made » spirituels vont alors trouver des oreilles attentives, vulnérables. Un autre facteur important et congruent au précédent est ce que Gadamer a appelé l’institutionnalisation du refoulement de la mort. Celle-ci participe du « management » du corps au détriment d’un autre souci, d’un autre « care », pour employer un terme en vogue, celui des enjeux d’existence toujours rejoués et rebattus face à la maladie, à la mort et au handicap. Il y a dans les dérives sectaires ou les pratiques charlatanesques une forme d’escroquerie éthique.
Quel pourrait être le rôle d’un psychiatre dans la problématique sectaire ?
Un psychiatre ne prend que rarement en charge une personne embrigadée au sein d’une secte car elle ne consulte pas ! C’est seulement dans l’après qu’il peut intervenir. En revanche, une famille peut nous solliciter un proche dont le comportement a étrangement changé à leurs yeux. Des absences répétées, la participation à des séminaires d’allure bizarre, des modes d’alimentation atypiques, l’apparition d’un néolangage, de rites etc. vont parfois conduire à une rencontre avec le psychiatre. Il s’agira alors de faire la part des choses, autant qu’il est possible, car un adolescent en fugue ou aux prises avec les stupéfiants, une femme qui n’est pas revenue à la maison ... ne sont pas forcément sous emprise sectaire ou sous influence ! Des adolescents en rupture familiale sont rarement embrigadés dans des sectes. La tentation peut être grande pour l’entourage, face aux difficultés, d’imaginer des sectes partout. L’entourage peut aussi avoir intérêt à trouver une « cause exogène » à des bouleversements qui les regardent de l’intérieur. Le psychiatre peut aussi apporter un éclairage précieux à la compréhension de situations potentiellement sectaire auprès des associations consultées par les proches comme l’UNADFI.
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