Il ne s’agit pas d’une position idéologique mais bien d’une conviction. L’Académie de médecine, qui avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la levée de l’anonymat du don de gamètes dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation (AMP), réitère sa position à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique. « À notre avis, il faut conserver le maintien de l’anonymat », indique son président, le Pr Roger Henrion, arguments à l’appui.
En 2006, la députée Valérie Pécresse avait déjà tenté une percée législative dans le dogme de l’anonymat en proposant, au choix du couple receveur, un double régime de don : avec ou sans levée de l’anonymat. Cette solution, qui créait notamment une inégalité entre les enfants issus du don, avait finalement été écartée par son initiatrice même, se souvient le Pr Georges David, fondateur des CECOS (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain). La voie proposée par Roselyne Bachelot, qui permettrait aux enfants majeurs d’avoir accès à certaines données non identifiantes du donneur, voire, si ce dernier y consent, à son identité, paraît tout aussi critiquable aux yeux des Académiciens.
L’origine : le désir d’enfant.
Il faut tout d’abord s’interroger sur la question du géniteur qui, dans les secrets de l’alcôve, peut ne pas être « obligatoirement » le donneur, souligne le Pr David. Doit-on, dès lors prévoir, au préalable, une obligation de preuve par « identification génétique » ? Le Pr Pierre Jouannet, qui a dirigé le service de biologie de la reproduction de l’hôpital Cochin, s’arrête quant à lui sur la notion d’accès aux origines. « De quelles origines parle-t-on ? », s’interroge-t-il, en donnant sa définition : « Pour moi, l’origine se trouve dans ce désir d’enfant, rendu impossible à cause d’un problème d’infertilité » du couple. Et de citer l’acteur Grégoire Leprince-Ringuet, qui confiait récemment à « Libération », à l’occasion de la sortie du film de Bertrand Tavernier « la Princesse de Montpensier », être né d’un don de sperme anonyme : « Je ne comprends pas la réforme qui veut permettre de retrouver l’identité du donneur. Mes origines, ce n’est pas mes gènes, ça n’a aucun sens pour moi. Mes origines, ce sont mes parents qui ont voulu que je sois vivant », affirmait-il.
Il ne faut pas pour autant ignorer le donneur, consent le Pr Jouannet. Mais celui-ci s’inscrit moins dans une démarche de paternité que d’aide à la conception. D’ailleurs, poursuit-il, « je ne suis pas certain que la levée de l’anonymat permettrait de résoudre les problèmes d’identité des enfants » en recherche.
Une porte ouverte.
L’Académie décline bien d’autres arguments. Ainsi, si l’accès à des données non identifiantes et à l’identité du donneur est « une mesure souhaitable dans l’intérêt de l’enfant », pourquoi réserver cette possibilité à l’âge de la majorité ? Le consentement du ou de la partenaire du donneur(se) devant être sollicité au moment du don, pourquoi ne pas prévoir une telle exigence lorsqu’il s’agit de répondre à une demande d’accès à l’identité du donneur ? Le Pr Henrion met en garde : si l’on accepte une première entaille aux dogmes du don, celui de l’anonymat, est-on sûr de pouvoir préserver celui de la gratuité ? Par ailleurs, « le fait que certaines données non identifiantes soient accessibles de manière rétrospective et que d’autres données non identifiantes ne soient accessibles que pour les dons effectués à compter de la publication de la loi est incompréhensible et injustifié », contestent les Académiciens.
Forts de ces munitions, les membres de l’Académie souhaitent se faire entendre par la commission spéciale mise en place à l’Assemblée pour examiner le projet de révision de la loi de bioéthique avant qu’il ne soit débattu dans l’hémicycle. Dans son projet de loi, Roselyne Bachelot indique vouloir responsabiliser le don. « Il ne me semblait pas que les donneurs étaient auparavant irresponsables », répond le Pr Jouannet.
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