DEVANT L’IMMENSITÉ du champ de la neuroéthique, le Comité d’éthique a choisi de se limiter, dans ce dernier avis, à l’étude des enjeux soulevés par les avancées technologiques de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Mais d’autres avis suivront, promet son président, le Pr Alain Grimfeld.
Le philosophe Ali Benmakhlouf, rapporteur de l’avis avec le neurologue Yves Agid (Pitié-Salpêtrière), rappelle que l’IRMf ne mesure pas directement l’activité des neurones mais un signal « correspondant aux modifications métaboliques complexes associées à cette activité qui impliquent l’ensemble de l’unité neur-vasculaire ». L’obtention d’une image à partir de ces signaux BOLD (pour Blood Oxygenation Level Dependent) bruts est un procédé complexe, ajoute le philosophe. « L’image finale n’est pas une photographie de l’activité neuronale », insiste-t-il et sa signification individuelle n’est qu’assez faible. Le comité estime qu’il ne faut « rapporter les images obtenues par IRMf qu’aux hypothèses scientifiques qui les ont motivées et aux règles d’interprétation qui permettent de les décrypter ».
En dépit de ces limites, l’IRMf est un outil de recherche « exceptionnel » pour l’étude du fonctionnement du cerveau normal et pathologique. Elle possède aussi des applications en pratique clinique telle que le diagnostic des états de conscience chez les patients non ou peu communicants. Le CCNE prend notamment comme exemple les travaux de l’équipe de neuropsychologie de Lyon (Angela Sirigu) qui montrent comment une personne se représente dans son cerveau les gestes d’un membre supérieur cependant amputé. Ce phénomène pourrait ainsi aider à la réalisation d’une greffe d’un bras bionique dans de meilleures conditions.
Vigilance.
Le CCNE s’interroge toutefois sur la pertinence de certaines études. Il faut, recommande-t-il, « exercer la plus grande vigilance devant le développement des tests dits de vérité et d’évaluation de la personnalité et des fonctions mentales par IRMf, en raison du risque de réduire la complexité de la personne humaine à des données d’imagerie fonctionnelle et en raison du risque de l’illusion d’une certitude absolue dont serait porteuse la technique ». Les données sur la personnalité obtenues par IRMf sont « sans commune mesure » avec celles recueillies dans le cadre de la relation médecin-malade. Le CCNE met en garde contre la « fascination des images » : il ne faut considérer ces dernières que comme « un appoint permettant d’améliorer la probabilité au sein d’un vaste faisceau d’arguments ». Le Comité évoque également les aspects éthiques de la conduite de la recherche en IRMf. La découverte d’anomalies imprévues augmente avec la puissance du champ magnétique : elle était, par exemple, de 8,8 % dans une étude sur les IRM de recherche effectuée chez 525 volontaires sains ayant un âge moyen de 50 ans (Hoggard, 2009).
À l’image des députés de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques qui ont récemment rendu un rapport à ce sujet (le « Quotidien » du 12 mars), le Comité se dit très réservé quant à l’usage de l’IRMf dans le domaine judiciaire. Cet usage, autorisé par la loi bioéthique du 7 juillet 2011, a été justifié par la nécessité d’avoir un cadre pour l’instruction d’un préjudice en vue de l’indemnisation d’une victime potentielle. Le CCNE dénonce le risque « d’autonomiser cette technique et celui d’oublier les principes cardinaux de la justice : les interrogatoires croisés, l’établissement de la vérité à partir d’arguments contradictoires, les droits des prévenus de se taire, de ne pas répondre ». Il estime que cet usage doit être accompagné d’un « encadrement strict » qui ne donne pas lieu à discrimination. Le CCNE « n’est pas inhibiteur de progrès », a précisé le Pr Alain Grimfeld « mais outrepasser la signification d’un examen nous paraît un problème éthique majeur ».
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