Le Conseil d’État a rejeté ce mercredi un recours mettant en cause la possibilité pour un employeur d’être à l’origine d’une procédure disciplinaire contre un médecin. Ce recours avait été porté par plusieurs associations de médecins du travail, dont celle du Dr Dominique Huez, lui-même inquiété par un employeur pour avoir rédigé un certificat médical à un salarié établissant un lien entre sa maladie et son travail.
Ces associations demandaient au Premier ministre de modifier une disposition du code de la santé publique – la suppression de la mention « notamment » dans l'article R4126-1 – afin que la liste des personnes habilitées à déposer une plainte devant le conseil départemental de l’Ordre contre un médecin, et donc susceptible de donner lieu à une action disciplinaire, soit définie « de façon limitative ».
« L’objectif pour les associations était d’interdire qu’un employeur puisse faire pression sur un médecin du travail en initiant une action disciplinaire contre lui, à raison des certificats ou attestations qu’il aurait rédigés et qui feraient un lien entre la pathologie dont souffre un salarié et les conditions de travail de ce dernier », rappelle le Conseil d'État. Selon les associations, cette possibilité induite par la formulation « portait atteinte à la protection du secret médical, au caractère équitable de la procédure disciplinaire et à l’indépendance du médecin ».
Un rejet, mais des précisions
Le Premier ministre ayant rejeté cette demande de modification du code de la santé publique, les associations avaient alors attaqué ce refus devant la juridiction administrative suprême, qui vient elle-même de le rejeter. En revanche, elle apporte quelques précisions « sur l’interprétation à donner à l’article du code de la santé publique contesté ».
L'institution du Palais-Royal juge ainsi que, s’agissant des personnes figurant dans la liste introduite par l’adverbe « notamment », seules celles « lésées de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d’un médecin à ses obligations déontologiques » peuvent introduire, après avoir porté plainte devant le conseil de l’Ordre, une plainte contre un médecin, « ce qui inclut les employeurs, mais avec l’application d’un critère strict ».
D’autre part, les juges estiment qu’un médecin « mis en cause par la plainte d’un employeur n’est nullement tenu, pour assurer sa défense, de méconnaître le secret médical ou même de renoncer à se défendre afin de préserver le secret médical ».
Enfin, le Conseil d’État rappelle que les médecins du travail sont tenus « au respect des obligations déontologiques, dont l’interdiction de délivrer des certificats de complaisance ». Il indique toutefois que le juge disciplinaire devra tenir compte « des spécificités des conditions d’exercice du médecin du travail qui, de par ses fonctions, a accès à un grand nombre d’informations sur l’entreprise et les conditions de travail des salariés ».
Cette décision intervient quelques jours après qu'une thèse de médecine générale a fait état d'un doublement des plaintes des employeurs entre 2011 et 2015 dans 17 départements envers des médecins généralistes, pour des certificats en rapport avec le travail.
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