LES LIENS ENTRE SANTÉ et dérives sectaires sont extrêmement ténus. « Les promesses et recettes de guérison, de bien-être et de développement personnel sont au cœur des pratiques à risque de dérives sectaires », écrit le président de la mission Georges Fenech dans la préface de ce guide de 200 pages, à destination du grand public comme des professionnels de santé. Environ 3 000 médecins seraient en lien avec la mouvance sectaire, 4 000 « psychothérapeutes » autoproclamés n’ont suivi aucune formation et ne sont inscrits sur aucun registre, et les dérives sectaires dans le domaine de la santé représentent près de 25 % de l’ensemble des signalements reçus à la MIVILUDES. « Un chiffre que j’adopte volontiers », commente le Dr Patrick Romestaing, président de la section Santé publique du Conseil national de l’Ordre des médecins, et président du conseil départemental du Rhône. Et de citer ces malades du cancer, qui, « lorsque les thérapeutiques traditionnelles ne marchent pas, cherchent des alternatives, qui peuvent les conduire à arrêter les soins traditionnels ». Selon la MIVILUDES, 4 Français sur 10 ont recours aux médecines dites alternatives ou complémentaires, dont 60 % parmi les malades du cancer.
Pour lutter contre ce phénomène « au développement exponentiel », assure Georges Fenech, le guide de la MIVILUDES propose plusieurs outils. Pédagogique, il définit les critères permettant de reconnaître des dérives sectaires (il n’existe pas, en France comme dans de nombreux pays, de définition juridique de la secte) : déstabilisation mentale, exigences financières exorbitantes, rupture avec l’environnement, atteinte à l’intégrité physique, trouble à l’ordre public, etc. La mission met particulièrement en garde contre le recours aux pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT) qui « dans la majorité des cas ont pour socle le discours d’un personnage emblématique, possédant toutes les caractéristiques du gourou ». En évitant de justesse de réduire toute PNCAVT à une dérive sectaire, la MIVILUDES précise qu’il y a danger lorsque « la pratique essaie de faire adhérer le patient à une croyance, à un nouveau mode de pensée » qui ôterait à la personne sa capacité de discernement.
Comment réagir.
Le guide Santé de la MIVILUDES délivre à plusieurs professionnels de santé (médecins, dentiste, sage-femme, pharmacien, infirmier...) des fiches pratiques pour savoir comment réagir lorsqu’ils « soupçonnent » un patient ou un confrère d’appartenir à une mouvance sectaire. En cas de doute, le médecin peut requérir l’expertise des Conseils départementaux de l’Ordre des médecins, qui, comme les agences régionales de santé, sont dotés d’un référent dérives sectaires. « Les conseils départements peuvent faire des signalements au procureur de la République, les relayer à la section santé publique du CNOM et saisir la MIVILUDES », explique le Dr Patrick Romestaing, qui précise travailler en étroite collaboration avec les associations de patients. « Nous pouvons voir les mouvements se développer sur le territoire et tirer la sonnette d’alarme », poursuit-il.
Le guide réserve un sort particulier au refus de soin ainsi qu’à l’absence totale d’une couverture vaccinale chez un jeune patient. Deux situations qui pourraient être « un indice de maltraitance pouvant éclairer sur un risque de dérive sectaire ». La MIVILUDES incite alors le médecin à s’interroger sur le développement physique et affectif de l’enfant, son régime alimentaire, la suppression totale de certains aliments, ou son rythme de vie. Chez les adultes, le professionnel peut s’étonner d’un renoncement à un traitement conventionnel, parallèle à un éloge d’un traitement alternatif, ou de l’utilisation de produits susceptibles de constituer un danger pour sa santé. Quant à un médecin qui aurait des doutes sur un confrère, « il veillera par tous les moyens légaux à confirmer l’existence de signes évocateurs d’une dérive sectaire » avant de se tourner vers l’Ordre.
L’ère du soupçon.
La MIVILUDES voit-elle des dérives sectaires partout ? La question peut se poser face à l’étendue des critères déterminant ces dérives et des pratiques pointées du doigt comme « méthodes les plus répandues ». Dans l’annexe du guide, la médecine ayurvédique - traditionnelle indienne -, l’EMDR, qui se fonde sur les mouvements oculaires, la fasciathérapie ou la sophrologie voisinent avec des traitements du cancer par ingestion d’urine (amaroli) ou la médecine nouvelle germanique (HAMER), qui prône l’arrêt de tout traitement conventionnel. Le Dr Patrick Romestaing, qui a signalé des actions de la Fédération de médecine chinoise dans toute la France, reconnaît que le cas est à la limite des dérives sectaires. « On s’est surtout interrogé sur l’exercice illégal de la médecine, car ils pratiquent l’acupuncture, réservée aux médecins, travaillent en blouse blanche, et fabriquent des caducées. Mais l’exercice illégal de la médecine n’est pas toujours synonyme de dérives sectaires ». « L’idée n’est pas de tomber dans la paranoïa ou de condamner toutes les médecines non conventionnelles », nuance à son tour Samir Khalfaoui, conseiller santé de la MIVILUDES. « Nous disons qu’il faut faire attention à la manipulation mentale : les pratiques de confort ne sont pas condamnables en soi, mais si un thérapeute affirme que le problème vient de la famille, il faut faire attention aux dérives », conclut-il.
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