Le protocole dit de Maastricht III permet le prélèvement d’organes sur des personnes décédées par arrêt circulatoire après une décision de limitation ou d’arrêt programmé des thérapeutiques dans un service de réanimation. « Nous avons mis en place ce protocole avec une double volonté. La première était d’assurer un respect très strict de toutes les conditions éthiques et des préconisations de la loi Leonetti sur la fin de vie. La seconde était d’avoir un programme offrant de très bons résultats, avec des greffons qui ne soient pas à critères élargis. Et, pour l’instant, nous avons réussi notre pari sur les deux points », affirme la Dr Corinne Antoine, membre de la direction médicale prélèvement greffe organes-tissus (DPGOT) à l’Agence de la biomédecine.
Tout l’enjeu est d’assurer une complète étanchéité entre la décision de limiter ou d’arrêter les traitements et celle d’envisager la possibilité d’un don d’organes. Il serait inacceptable sur le plan éthique que la perspective de pouvoir greffer un patient inscrit sur une liste d’attente conduise les médecins à accélérer l’arrêt des traitements chez une personne en fin de vie.
En France, jusqu’en 2005, le prélèvement d’organes sur donneurs décédés ne pouvait se faire que dans le cas d’une mort encéphalique. De nombreux pays ont, depuis plus de 30 ans, des programmes de prélèvement sur des personnes décédées à la suite d’un arrêt circulatoire après arrêt programmé des traitements. Ce type de prélèvements leur a permis une augmentation de 10 à 40 % du nombre de greffons disponibles, principalement des reins, mais aussi, dans certains pays, des foies, des poumons ou des pancréas. « En termes qualitatifs, les taux de survie des greffons rénaux à 1, 5 et 10 ans sont comparables à ceux obtenus avec des greffons issus de donneurs décédés en état de mort encéphalique », précise l’Agence de la biomédecine.
20 centres en France
En France, il a fallu attendre le vote de la loi Leonetti sur la fin de vie en 2005 pour avoir un cadre législatif précisant les conditions d’arrêt des traitements en réanimation. Ce cadre réglementaire a rendu possible la mise en place du protocole Maastricht III, mais seulement après une longue réflexion menée par les sociétés savantes de réanimation, le conseil d’orientation de l’Agence et le Comité national d’éthique. « On s’est aussi largement inspirés des recommandations européennes et anglaises, très argumentées sur tout le volet éthique, précise la Dr Antoine. Depuis novembre 2014, nous avons délivré des autorisations à 20 centres en France pour réaliser des prélèvements dans le cadre du protocole Maastricht III. Deux autres autorisations sont sur le point d’être délivrées, et d’autres vont suivre en 2018. En moyenne, on délivre une ou deux autorisations par mois. »
En un peu plus de trois ans, 365 donneurs potentiels relevant du protocole Maastricht III ont été recensés en France, et, au final, des prélèvements ont eu lieu sur 185 d’entre eux. « Au total ont été réalisées 339 greffes rénales, 88 greffes hépatiques et 12 greffes pulmonaires », indique la Dr Antoine. Cette différence entre le nombre de donneurs recensés et ceux finalement prélevés a plusieurs explications : « Comme pour la mort encéphalique, on consulte les familles pour rechercher l’opposition du mourant au don de ses organes après sa mort, et, parfois, cela aboutit à un refus de prélèvement. Mais, parfois aussi, le prélèvement ne se fait pas car le décès n’est pas intervenu dans le délai imparti, qui est de trois heures. Quand la décision d’arrêt des thérapeutiques est prise, dans la collégialité et après avis d’un consultant extérieur, on stoppe les traitements actifs pour ne garder que les soins de confort. Et, bien sûr, rien ne peut être fait pour accélérer le décès en vue du prélèvement. Il faut attendre que survienne le décès, ce qui peut prendre plus ou moins de temps. Si le décès n’est pas survenu dans un délai de trois heures, on ne prélève pas, car on estime que les organes, très peu perfusés et oxygénés, ont trop souffert », explique la Dr Antoine.
Entretien avec la Dr Corinne Antoine, membre de la direction médicale prélèvement greffe organes-tissus (DPGOT) de l’Agence de la biomédecine
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