Le Conseil d'État a examiné ce 10 juillet un double recours portant sur l'ordonnance du 16 juin 2016 de la Cour administrative d'appel (CAA) de Nancy, qui ordonnait la reprise de la procédure collégiale préalable à une éventuelle décision d'arrêt des traitements de Vincent Lambert, 41 ans en septembre prochain, hospitalisé au CHU de Reims à la suite d'un accident de la route en 2008.
Ces recours ont été formés d'un côté par les parents de Vincent Lambert - qui souhaitent la poursuite des soins et son transfert dans un autre établissement, demande rejetée en mars dernier - et de l'autre, par le neveu de Vincent, François Lambert, qui réclame à la justice de contraindre l'établissement à exécuter l'ordonnance sous astreinte (le CHU de Reims devrait verser 1 000 euros par jour de retard par rapport à l'arrêt du 16 juin 2016).
Pour rappel, la Cour administrative d'appel de Nancy confortait l'indépendance du médecin en ce qu'elle estimait que la décision du Dr Éric Kariger en 2014 d'un arrêt des soins - jugée légale par la cour européenne des droits de l'homme - n'obligeait en rien le Dr Daniéla Simon qui lui a succédé. En revanche, la justice dénonçait la décision de suspendre indéfiniment la procédure au motif que le climat était tout sauf apaisé.
Aucune injonction ne pouvant être faite à un médecin, personne privée, il revient au CHU de mettre en mesure le Dr Simon - qui a quitté l'hôpital en janvier 2017 - ou son successeur, de répondre aux obligations lui incombant vis-à-vis de Vincent Lambert en vertu du code de la santé publique, estimait la Cour d'appel. Le CHU s'était engagé à se conformer à cette injonction.
Indépendance professionnelle et responsabilité personnelle du médecin
Ce 10 juillet, le rapporteur public, dont les avis sont généralement suivis, a recommandé le rejet des deux pourvois, jugeant que la Cour de Nancy n'avait pas fait d'erreur de droit.
Le rapporteur public a conforté les décisions de la CAA sur des questions de principe, la première étant de savoir si une décision d'interrompre les traitements d'un malade peut être mise en œuvre par un autre médecin que le décisionnaire.
« Il nous paraît impossible de considérer qu'une décision extrêmement lourde et difficile à prendre pour un médecin, puisse être imposée comme un fait déjà acquis à un autre médecin qui serait dans l'obligation de la mettre en œuvre », analyse le rapporteur public, rappelant que c'est la responsabilité personnelle du médecin qui est en jeu dans une décision d'arrêt du traitement (et non une responsabilité diluée dans une décision collégiale, comme l'a ré-affirmé encore tout récemment le conseil constitutionnel au sujet de la loi Leonetti-Claeys). Et cette logique de responsabilité personnelle - et d'indépendance professionnelle inaliénable du médecin, sanctuarisée dans le code de santé publique - ne peut être supplantée par le principe de continuité des soins (ce dont se prévalait François Lambert pour demander une mise en œuvre immédiate de la décision du Dr Kariger, malgré son départ).
Le rapporteur public confirme aussi la lecture de la CAA sur l'illégalité de la suspension de la procédure, décision prise l'été 2015 au motif que la sécurité et la sérénité étaient insuffisantes, sans qu'un terme à cette suspension n'ait été fixé. « Quels peuvent être les motifs légaux d'une décision de suspension de la procédure collégiale ? », s'interroge le rapporteur public, tout en estimant qu'une réponse théorique, abstraite, ne sied pas à des situations marquées par « une irréductible singularité ».
Néanmoins, « des craintes à l'égard de la sécurité des malades et du personnel doivent conduire à prendre des mesures de protection appropriées, mais ne peuvent pas conduire à différer indéfiniment une décision », tranche-t-il.
Décision à la fin du mois de juillet
La procédure doit « être recommencée depuis le début », a en outre recommandé le rapporteur public. Le Conseil d'État devrait rendre sa décision d'ici la fin du mois de juillet.
« Exceptionnelle et dramatique : les deux adjectifs qu'avait employés Rémi Keller en 2014 restent, près de trois ans et demi plus tard, malheureusement valables », a déclaré le rapporteur public.
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