Prescrit à cinq millions de personnes, parfois comme coupe-faim et accusé d’être à l’origine de graves valvulopathies et d’hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP), le Mediator (benfluorex) fera l’objet d’un lourd procès au pénal. Dans ce cadre, plus de 400 avocats sont mobilisés et 4000 patients se constituent partie civile. Une dizaine de personnes morales et une quinzaine de personnes physiques seront jugées. Deux grands groupes sont concernés : les laboratoires Servier et leurs diverses sociétés mais aussi, l’ Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM ex-Afssaps), soupçonnée d’avoir négligé les alertes sur la dangerosité du Mediator. « Par ailleurs, des membres de l’agence du médicament ayant également travaillé pour Servier seront aussi jugés. À ceux-ci s’ajoutent des professeurs de médecine et une ancienne sénatrice (Marie-Thérèse Hermange ) », précise Maître Charles Joseph-Oudin, avocat de plusieurs parties civiles. Deux informations judiciaires ont été ouvertes : l’une pour « tromperie aggravée » (qui sera traitée dès le 23 septembre) et l’autre pour « homicides et blessures involontaires ». Sur ce deuxième volet, l’instruction poursuit son cours. Néanmoins, « dans un objectif de célérité, les dossiers ouverts pour blessures ou homicides involontaires – et dont l’expertise a déjà conclu à la responsabilité du Mediator (une soixantaine de victimes ) – seront jugés avec les dossiers pour tromperie aggravée », indique Maître François De Castro, l’un des avocats des laboratoires Servier.
33 ans de commercialisation
Appartenant à la famille des fenfluramines (dérivées d’amphétamine et puissants anorexigènes), le benfluorex a été commercialisé de 1976 à 2009 comme traitement adjuvant des désordres lipidiques et glycémiques chez les diabétiques en surpoids. En 1997, les fenfluramines ont été retirées du marché à la suite de complications cardiovasculaires, d’HTAP et d’insuffisances valvulaires provoquées par leur métabolite commun : la norfenfluramine. Interdit en préparation magistrale à visée amaigrissante, le benfluorex reste pourtant autorisé en comprimés en raison de ses indications thérapeutiques différentes. Or, dès 1999, des notifications d’HTAP et de valvulopathies liées à la prise de benfluorex sont rapportées à l’Afssaps. Deux enquêtes de pharmacovigilance sont initiées : l’une européenne, l’autre nationale. Selon Maître De Castro, « Servier n’a jamais dissimulé le moindre cas de pharmacovigilance. Tout au long de la décennie 2000, chaque cas a été expertisé et il n’y a pas eu de signal de risque majeur identifié avant 2009 ». Cette année-là, en novembre – sur la base de 3 sources d’informations (l’étude du Dr Irène Frachon (1), l’étude Regulate (2) de Servier et les données de la Caisse nationale d’Assurance-maladie) mettant en lumière le surrisque de valvulopathies – la commission nationale de pharmacovigilance décide la suspension du Mediator.
Un procès tardif
Les premières plaintes relatives au Mediator ont été déposées en novembre 2010. « En 2011, après un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), la justice civile souligne que les laboratoires Servier connaissaient la toxicité du Mediator dès 1999 et qu’ils en ont délibérément caché les effets indésirables », note Maître Charles Joseph-Oudin. Une thèse que Servier compte réfuter en bloc, lors du procès. « Les laboratoires Servier contestent fermement le fait d’avoir trompé les autorités sanitaires, les patients et les médecins prescripteurs sur les propriétés, la métabolisation et les effets indésirables du Mediator », souligne Maître De Castro. Reporté à plusieurs reprises, le procès du Mediator devra faire la lumière sur les raisons de son retrait tardif et répondre aux attentes des patients. « Après 3 ans et demi d’instruction (ouverte en février 2011) et plusieurs années consacrées aux diverses purges de nullités et voies de recours, le procès va enfin s’ouvrir. Ce délai est bien trop long pour les victimes. Mais aussi, pour les prévenus puisqu’une partie est décédée et ne pourra donc pas être jugée », souligne Maître Charles Joseph-Oudin. C’est le cas de Jacques Servier, d’Éric Abadie (ex-cadre de l’agence du médicament), d’Alain Le Ridant (ancien pharmacien de Servier) et de Jean Charpentier (ex-chercheur de Servier).
(1) I. Frachon et al., PLoS ONE 5, doi.org/10.1371/journal.pone.0010128,2010
(2) https://www.clinicaltrialsregister.eu/ctr-search/search?query=2005-0047…
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